[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
contre les Prussiens, alors Napoléon chasse, parce qu’il veut garder à son corps, dont il sent qu’il s’alourdit, son agilité, sa résistance. Le froid est très vif, ce mardi 19 janvier 1813, dans les forêts autour de Grosbois, le château de Berthier.
Le maréchal est rentré de Pologne, accablé. Il s’accuse d’avoir appuyé le choix de Murat comme chef de l’armée. Il eût fallu choisir Eugène de Beauharnais dès le début, dit-il. Maintenant, que peut le vice-roi d’Italie ? L’armée ne compte plus qu’une trentaine de milliers d’hommes, tout ce qui reste des plus de quatre cent mille qui franchirent le Niémen en juin 1812. Berthier se lamente. Napoléon le morigène. À quoi sert-il de vouloir refaire le passé ? Les choses qui ont eu lieu sont sans remède. Quant à leurs conséquences, il faut les subir.
— C’est un torrent, dit-il, il faut le laisser couler. Cela s’arrêtera de soi-même dans quelques jours.
Il veut à la fois accepter ce que l’on ne peut refuser, et changer ce qui peut l’être.
Dans la forêt de Grosbois, tout à coup, il tourne bride. On va chevaucher jusqu’au château de Fontainebleau. Il a eu cette idée il y a déjà quelques jours. Mais il ne voulait en avertir personne.
La plupart des pièces du château sont vides. On a enlevé les meubles en l’absence de l’Empereur. Les salons et les chambres sont glacés, sans feu. Les domestiques sont rares. Mais toute une aile du château est illuminée. C’est là que vit le pape Pie VII depuis des mois.
C’est lui qu’il veut surprendre, entourer de signes d’affection et de respect, afin de parvenir à un accord, un nouveau Concordat.
Napoléon va vers lui dans les longues galeries froides et l’embrasse.
Il faut aboutir à un accord. Je ne quitterai le château que lorsque j’y serai parvenu .
Il veut apparaître aux yeux de l’Europe et de l’opinion non pas comme l’Antéchrist que condamnent les souverains chrétiens, mais comme un empereur allié du pape.
Marie-Louise, à Fontainebleau, dans le cercle restreint qui se réunit chaque soir malgré le froid des appartements pour « le jeu et un peu de musique », est heureuse. Mais elle ne doit pas seulement être l’épouse aimante. Il faut qu’elle écrive à François I er . Le lundi 25 janvier, Napoléon veut que le Concordat soit signé dans les appartements de l’Impératrice.
Il observe Marie-Louise. Elle a une expression radieuse. Il lit la lettre qu’elle adresse à son père :
« Nous sommes depuis six jours à Fontainebleau, où l’Empereur a arrangé aujourd’hui les affaires de la chrétienté avec le pape. Le pape paraît très content. Il est très gai et en train depuis ce matin de bonne heure, et a signé le traité il y a un quart d’heure. J’arrive justement de chez lui, je l’ai trouvé très bien portant. Il a une très jolie figure, très intéressante ; je suis persuadée que vous apprendrez avec autant de plaisir que moi la nouvelle de cette réconciliation. »
Napoléon jubile. Bien sûr, cet accord n’est considéré par le pape que comme un avant-projet devant être approuvé par le Sacré Collège des Cardinaux. Mais il faut prendre de vitesse cette assemblée.
Napoléon, le samedi 13 février 1813, fait publier le Concordat dans la presse. Et, en France et en Italie, toutes les églises saluent l’événement en célébrant des Te Deum .
Voilà ce qui compte ! Que l’on me traite après cela d’Antéchrist, de roi païen !
Il reçoit avec ironie l’envoyé de Metternich, l’Autrichien Bubna, l’interpelle, méprisant, au sujet de l’armistice que Schwarzenberg a signé à Zeyes avec les Russes.
— Vous voulez tirer votre corps auxiliaire du jeu, vous avez changé de système !
Mais il faudra que Vienne ait alors la franchise d’une rupture, que François I er ose affronter sa fille, qui sera peut-être régente, et un empereur qui est au mieux avec le pape.
Qu’on sache bien cela, à Vienne, dit-il, et il le répétera devant le Corps législatif : « Je désire la paix mais je ne ferai qu’une paix honorable. »
Il se sent à nouveau maître du jeu.
— Dieu m’a donné la force et la joie d’entreprendre de grandes choses, dit-il. Je ne dois pas les laisser imparfaites.
Il feuillette Le Moniteur qui publie le texte du Concordat.
— Le clergé est une puissance qui n’est jamais stationnaire, ajoute-t-il. Ennemi s’il n’est pas ami,
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