[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
dignitaires.
— Le succès de mon entreprise a tenu à huit jours. Il en est ainsi de tout dans le monde. Le moment, l’à-propos sont tout.
Il indique que l’audience du lever est terminée, mais il retient Decrès et Cessac, avec qui il veut parler déjà des premières mesures pour reconstituer l’artillerie et la cavalerie.
Il s’assied à sa table de travail.
— Eh bien, messieurs, la fortune m’a ébloui ! Je me suis laissé entraîner au lieu de suivre le plan que j’avais conçu. J’ai été à Moscou, j’ai cru y signer la paix. J’y suis resté trop longtemps. J’ai cru obtenir en un an ce qui ne devait être exécuté qu’en deux campagnes. J’ai fait une grande faute, mais j’aurai les moyens de la réparer.
Il faut commencer aujourd’hui. Il donne les premiers ordres. Puis, quand Decrès et Cessac sont sortis, il dit à Caulaincourt :
— Le terrible Bulletin a fait son effet, mais je vois que ma présence fait encore plus de plaisir que nos désastres ne font de peine. On est plus affligé que découragé. Cette opinion se saura à Vienne, et tout se réparera avant trois mois.
Il se promène sur la terrasse des Tuileries en compagnie de Marie-Louise. Elle s’appuie à son bras, tendre, légère et futile. Il n’écoute que le gazouillis des mots. Il l’interroge : « Comment va bon papa François ? » Il a besoin de l’alliance ou, au pis, de la neutralité de l’Autriche. Et il faut qu’il se serve de Marie-Louise pour peser sur l’empereur François.
Car les nouvelles qu’apportent les estafettes chaque jour sont mauvaises ! La foule des soldats rescapés de la Bérézina s’est ruée sur les magasins de Vilna. La ville a été pillée, dit-on. Et il a suffi d’un hourra de cosaques pour que ces hommes débandés s’enfuient et recommencent à Kovno la même mise à sac ! Et la Garde – ma Garde ! – a elle aussi saccagé les maisons et les réserves. Elle aussi a fui quand les cosaques sont apparus. Quelques milliers d’hommes seulement ont réussi à passer le Niémen avec Ney. Pour apprendre que le corps d’armée prussien de Yorck faisait défection, exposant aux Russes les troupes françaises de Macdonald, obligées de reculer. Puis ce sont les Autrichiens de Schwarzenberg qui ont commencé à discuter avec les Russes de l’éventualité d’un armistice.
Et Murat a quitté l’armée, rejoint son royaume. Il traite avec Metternich, trahit comme un quelconque Bernadotte, dans l’espoir de conserver sa couronne et rêvant peut-être de coiffer la couronne de fer du royaume d’Italie !
« Je suppose que vous n’êtes pas de ceux qui pensent que le lion est mort, dicte-t-il pour Murat. Vous m’avez fait tout le mal que vous pouvez depuis mon départ de Vilna. Le titre de roi vous a perdu la tête. Si vous désirez le conserver, ce titre, il faut vous conduire autrement que vous n’avez fait jusqu’à présent. »
Je sens la nation autour de moi prête à se défendre. Les conscrits rejoignent leurs drapeaux, les arsenaux se remplissent d’armes. Toute la France est un atelier. Mais il y a une poignée de traîtres en haut .
Dans les salons du faubourg Saint-Germain, où l’on se moque de ces bals de « jambes de bois » que j’ai demandé à Hortense d’organiser pour que rien, dans la vie de Paris et de la Cour, ne soit changé. Mais on trahit aussi autour de moi .
Il parcourt ces lettres que les agents du Cabinet noir chargé d’espionner les correspondances ont pu saisir.
Il n’a même pas été surpris de découvrir qu’elles sont du « Blafard », Talleyrand, un homme qui continue de participer aux Conseils privés. Il écrit à son oncle, ancien archevêque de Reims, émigré, proche de Louis XVIII et compagnon d’exil à Hartwell, où vit la petite Cour qui entoure, en Angleterre, le frère de Louis XVI. Talleyrand fait des offres de service, assure que la campagne de Russie est pour l’Empire « le commencement de la fin » et que tout cela se terminera par un « retour aux Bourbons ».
Indigne Talleyrand !
Napoléon a un accès de colère. Il veut poursuivre Talleyrand en justice, l’exiler sur ses terres, mais Savary et Cambacérès plaident pour l’ancien évêque d’Autun. Pourquoi faire un éclat ? disent-ils. Il suffit de le surveiller, prétendent-ils.
Napoléon hésite. Un procès fait à Talleyrand serait en effet interprété comme le signe de troubles au sommet de l’Empire.
Il
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