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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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mouvements de troupes. Il a dans les yeux les paysages de ces régions. Il a fait tout cela. Et il lui faut recommencer. Il le peut. Il le doit. C’est un rocher qu’il pousse au sommet de la pente. Il est Sisyphe.
     
    Il retourne dans le cabinet de travail, reprend place à sa table. Molé sait-il que le pape, ce brave homme, murmure-t-il d’un ton sarcastique, a décidé de se rétracter, de retirer sa signature du Concordat signé il y a deux mois ?
    Le pape a écrit que son infaillibilité ne l’a pas préservé d’une erreur que sa conscience lui reproche. Et naturellement, cette lettre pontificale va être répandue dans Paris par ces cardinaux noirs qui me sont hostiles, qui vont trouver tous les complices nécessaires chez les dévotes du faubourg Saint-Germain !
    Mais demain, 25 mars, le Concordat sera malgré tout décrété. Et le 30 mars sera organisé le Conseil de régence, avec à sa tête l’Impératrice, que Cambacérès conseillera.
    — Qu’en pensez-vous, Molé ?
    — Votre Majesté a voulu préserver la France d’une surprise, d’un coup de main comme celui de Malet…, commence Molé.
    Il hésite, reprend :
    — Pendant qu’elle serait à la tête de ses armées. Le public s’attendait depuis longtemps à voir paraître cette loi importante.
    Napoléon se lève.
    — Tout cela est bien peu de chose, dit-il. Croyez que je ne me fais pas d’illusions. Si j’écris un testament, certainement, après moi, il sera cassé. Un sénatus-consulte serait-il plus respecté ?
    Molé se récrie.
    — En apprenant votre mort, murmure-t-il, les partis stupéfaits auront besoin de se recueillir, tout dépendra de la promptitude et de l’énergie avec lesquelles le gouvernement de la régence saura profiter de ce premier moment d’hésitation.
    Tel est le moment de ma vie. On y parle de ma mort et de ma succession. Non plus pour assurer mon pouvoir, comme jadis, mais pour examiner réellement ce qui adviendra quand j’aurai disparu .
    Napoléon a un geste de lassitude.
    — Bah, dit-il, il faut que le roi de Rome ait vingt ans et soit un homme distingué, tout le reste n’est rien.
    Mais pourrai-je vivre jusqu’au moment où mon fils aura l’âge d’homme ?
    Il reste silencieux, puis il se met à marcher. Il faut faire face.
    — Ce que cette régence a de bon, dit-il, c’est qu’elle est conforme à toutes nos traditions et à tous nos souvenirs historiques. Elle sera confiée à une impératrice d’un sang qui a déjà été placé sur le trône de France.
    Il hausse les épaules.
    — Il y a ce que j’appelle les tricoteuses, qui détestent l’Impératrice en se rappelant les outrages qu’elles ont prodigués à la malheureuse Marie-Antoinette. Tant que j’y serai, cette lie ne bougera pas, parce qu’elle a appris à me connaître au 13 Vendémiaire, et qu’elle me sait toujours prêt, si je la prends en faute, à l’écraser.
    Il se souvient quand il a dû faire face, sous-lieutenant, à la foule. Il n’a jamais aimé le désordre, les cris de la canaille. Il est soldat. Il a partout rétabli une étiquette, un cérémonial précis. Et c’est un effort de chaque instant pour maintenir le respect de ces règles. Et il s’impose à lui-même cette rigueur qui forge le caractère.
    — Sire, dit Molé, rien ne bouge en votre présence, et nul n’ose ; mais quand vous n’y êtes pas, vous ne l’avez que trop appris, tout est prêt à recommencer.
    — Je le sais et j’en tiens grand compte. On est et on sera plus hardi depuis le désastre de Moscou.
    Il soupire.
    — Il faudra bien cependant faire encore une campagne et avoir raison de ces vilains Russes, en les forçant à regagner leurs frontières et à ne plus songer à en sortir.
    Il baisse la tête. Ce devoir qu’il se donne, cette nécessité qu’il doit affronter ne lui procure plus aucun enthousiasme. Il faut. Il doit. C’est tout.
    — Ne vous le dissimulez pas. Sire, dit Molé, pour la première fois on ne vous verra pas partir sans une profonde tristesse et beaucoup d’inquiétudes. On vout croit nécessaire à la tête de vos armées, mais on craint que vous ne sachiez pas à quel point vous l’êtes ici.
    Il sait cela.
    Napoléon soupire à nouveau.
    — Que voulez-vous, mon cher, dit-il, au fond je n’ai personne à mettre à ma place nulle part, ni à l’armée ni ici. Sans doute je serais trop heureux si je pouvais faire la guerre par mes généraux, mais je les ai trop

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