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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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face, pieds joints, plombant ses boules
qui s’immobilisaient près du « boucin », tombant à la verticale. Puis
comme il ramassait ses boules, Forzanengo lui avait fait un clin d’œil. Et
Rancaurel avait gagné.
    Ils le raccompagnaient par l’allée de cyprès qui descendait
vers la route de Gairaut, la maison de Revelli étant adossée à la colline.
    — Vous avez une vue admirable, disait le maire.
    — C’est un homme de la montagne Revelli.
    Forzanengo prenait Carlo par l’épaule :
    — Il lui faut de l’air, continuait-il.
    Il lâchait Carlo, prenait le bras du maire :
    — On sait les faire travailler nos maçons, monsieur le
Maire, vous voyez cette construction !
    La maison de Revelli ressemblait à une église de campagne
avec son bâtiment principal rectangulaire et cette tour en bout, comme un
clocher.
    — On a tout refait mais, monsieur le Maire – Forzanengo
se penchait – vous savez, on a toujours entre deux chantiers des maçons
qu’on paie et y se tournent les pouces, si vous avez un travail, je ne sais
pas, ça peut se présenter, on est là, ça nous rend service parce que des
ouvriers qui font rien, c’est pas bon, alors ne vous gênez pas.
    L’automobile du maire était garée devant l’entrée. Il
expliquait, soulevait le capot, montrait les phares, la manivelle qu’il tournait
pour démarrer le moteur, capot ouvert.
    — Et pour ces rues, disait Forzanengo, on achète les
machines et vous donnez l’asphaltage général ?
    — Je ne peux rien vous promettre.
    — Monsieur le maire, vous faites ce que vous voulez,
allons !
    — On essaiera.
    — Vous réussirez, pour la rue Saint-François, on
commence la semaine prochaine. On est prêt.
    Le maire saluait, Forzanengo et Carlo remontaient vers la
maison.
    — Fumier, disait Carlo.
    Forzanengo s’arrêtait. Il forçait Carlo à s’arrêter aussi
quelques pas plus haut :
    — Revelli, tu es un…
    Il s’interrompait.
    — Quelquefois, je me demande si tu as compris. Il faut
pas seulement les mains…
    Il montrait ses mains, et Carlo se souvenait des doigts
larges posés sur la table du chantier du Paillon.
    — Y aura toujours plus gros que toi, Revelli, et tu
seras obligé de baisser la tête et même ton froc, seulement tu seras plus le
dernier, le pauvre con, qu’ils enculent tous, mais essaye pas de jouer au plus
gros, à celui qu’en fait qu’à sa tête.
    Ils se remettaient à marcher, ils s’installaient devant la
maison où, à l’abri du vent, les chaises appuyées contre la façade de pierres
couvertes d’un enduit rose, il faisait bon. Forzanengo poussait à nouveau son
chapeau sur ses yeux, ses doigts posés sur les genoux.
    — Tu voulais gagner ?
    Il secouait la tête.
    — Contre Rancaurel, même aux boules, on gagne pas. On
le baise, mais on le laisse gagner.
     
    L’entreprise Forzanengo-Revelli avait asphalté la rue Saint-François-de-Paule.
Puis les réservoirs gluants, noirs de goudron, tirés par deux chevaux,
s’étaient arrêtés avenue de la Gare. Les ouvriers, les seaux chargés de pâte
fumante, l’étalaient sur le sol, l’aplanissant avec une longue planche.
    Ce mois-là, Anna et les enfants étaient montés à la
propriété de Forzanengo, près de Saint-Paul. Carlo les rejoignait une fois par
semaine, arrivant tard le samedi soir, Anna et son père l’attendaient.
Forzanengo parlant le premier. Le médecin lui avait demandé de se reposer trois
semaines, et il tapait du poing sur la table :
    — Allez, Revelli, dis-moi, où est-ce qu’ils en sont
avec les fondations, ils ont trouvé de l’eau ou pas ?
    Carlo expliquait. La mer n’était pas loin, il fallait
creuser profond, l’hôtel aurait cinq étages.
    — C’est une masse, l’architecte…
    — C’est des cons, des messieurs, tu comprends Revelli,
ils ont jamais rien touché avec leurs mains. Et ton goudron ?
    L’avenue de la Gare était déserte en août. La Mairie y
interdisait la circulation pour faciliter le travail.
    — Ça durcit mal, il fait trop chaud, disait Carlo. Même
après trois jours, on s’enfonce !
    — Ça durcira, disait Forzanengo calmé. Lundi, je
descends avec toi.
    Anna commençait à protester et Forzanengo criait :
    — Je descends, si je crève, ton mari sera le patron.
    Il claquait la porte, mais ils entendaient son pas dans la
chambre, au-dessus de la cuisine, la chaise qu’il déplaçait. Anna servait Carlo
sur la table en pierre placée sous la tonnelle.

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