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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qui secouait la tête :
    — Attends-moi, cria-t-il.
    Carlo l’aida à s’installer sur le siège…
    — Il est tôt, vous…
    — Tais-toi.
    Il fit arrêter la voiture après le pont du Var : la
baie, le cap Ferrat dont le phare clignotait, derniers feux avant l’aube.
    — Je veux voir les chantiers.
    Le plus important était celui du Roumain, pour qui il
construisait l’hôtel, promenade des Anglais. Forzanengo descendit. Les ouvriers
étayaient les fondations, l’eau suintant dans le gravier. Le mouton, une grosse
masse de fer, tombant en cadence sur les pieux pour les enfoncer profond, la
terre et l’eau jaillissant à chaque coup, deux ouvriers arc-boutés sur le pieu,
le tenant droit, bras tendus.
    — Ça va, dit Forzanengo, ça va.
    Il transpirait et pourtant la brise de mer était fraîche. Il
se fit conduire rue Cassini, arrêtant la voiture devant un immeuble ancien de
trois étages, la façade écaillée, les volets délavés.
    — Tu vois, Revelli, ça, c’est le premier. Il tient.
Plus que moi. Tu le montreras à Alexandre.
    Dans son bureau de l’entrepôt, il fit asseoir Carlo en face
de lui, comme autrefois. Il respirait difficilement. Les mains à plat sur la
table, les doigts écartés.
    — Il faut que je t’explique, parce que tu ne sais rien.
    Il aspirait l’air la bouche ouverte.
    — Ce pays, Revelli, achète, construis, garde pour toi,
ne vends pas, ça sera pour eux.
    Il donna un coup de poing.
    — Elle t’a fait de beaux enfants ma fille, hein
Revelli, tu croyais pas, tu l’as prise, tu t’es dit, c’est le vieux Forzanengo
que je veux, même avec ça tu as de la chance parce qu’ils sont beaux, ils sont
beaux, hein Revelli ?
    — Ils sont beaux, dit Carlo.
    — Oui, ce sont de beaux enfants, Revelli.
24
    Le samedi, les hommes, vers cinq heures, se retrouvaient
chez Coco, le coiffeur, au coin de la rue Barla et de la rue de la République. À
la belle saison, ils attendaient dehors, adossés à la devanture, roulant une
cigarette, la fumant lentement, obligés parce qu’ils mettaient peu de tabac de
la rallumer plusieurs fois avec leur briquet de cuivre, plat, à longue mèche
dont ils tournaient souvent sans succès la molette, se donnant alors du feu les
uns les autres, parfois se passant la blague et le papier pour que le voisin en
confectionne une, saupoudrant le papier, tenu entre le pouce et l’index, puis
les deux mains roulant, d’un mouvement lent, la cigarette, collant enfin le
bord, d’un coup de langue, comme s’ils jouaient de l’harmonica. Coco sortait
sur le pas de la porte :
    — À qui est-ce ?
    Il répétait qu’il ne fallait pas s’appuyer à la vitrine.
    — Vous voulez me la casser vraiment.
    Il avait la serviette sur l’avant-bras comme un garçon de
café et le rasoir ouvert à la main.
    L’hiver, on attendait à l’intérieur, debout contre le mur,
parce que les deux ou trois chaises ne suffisaient pas. L’atmosphère était
enfumée. On s’interpellait. Ceux qui étaient rasés, ne sortaient pas,
continuaient à bavarder. Ou bien, ils disaient « spera attends », ils
allaient jusqu’à la rue Cassini. Un preneur de pari clandestin connu de tous,
acceptait les mises pour la loterie italienne hebdomadaire « il lot ».
Ils revenaient chez Coco, reprenaient la conversation, en niçois ou en
piémontais.
    Souvent, on commentait les événements, « Vaï che »
et d’un geste de la main droite, la paume ouverte comme s’il s’agissait de la
lame d’une faucille qui tranche, ils répétaient « va que cette fois-ci ».
Les Japonais venaient de couler la flotte russe au large de Tsoushima et dans
une baraque installée place Garibaldi, on avait projeté les premières images,
tremblantes, floues de la bataille, dans le bruit de crécelle du
cinématographe, le projectionniste tapant sur un tambour, à contretemps, quand
une fumée s’échappait de la gueule d’un canon.
    On se passait un numéro de « l’Assiette au beurre »
et Vincente lisait les légendes, traduisait en piémontais, pour ceux qui ne comprenaient
que le dessin, ce tsar trempant ses mains dans un tonneau rempli de rouge.
    — Es dappertut parié ! disaient-ils en hochant la
tête.
    C’est partout pareil. En 98 Milan, en 5 les cosaques
fusillant les ouvriers de Moscou, en 7, ils avaient envoyé la troupe contre les
vignerons de l’Hérault, « Vaï che ». Quelqu’un d’autre avait le même
geste, la même phrase « va que cette

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