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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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près, alors elle
le serra contre elle avec violence, il se tenait raide, ses mains peu à peu
pourtant la parcourant, elle se mit à respirer difficilement.
    Il ouvrait la porte de l’ascenseur, tenait Helena, regardant
dans le couloir qu’éclairaient des veilleuses.
    — Votre chambre ? interrogea-t-il.
    Ces deux mots qu’il répétait à voix basse en se rapprochant
d’elle. Elle le gifla, le bousculant, pour qu’il s’écarte, s’enfuyant cependant
qu’il crachait, murmurant « salope », rabattant avec force la porte
de l’ascenseur.
    Elle ouvrit les volets. L’arc de la baie devant elle qui
naissait, rougeoyant alors qu’apparaissait le soleil. Helena respira longuement,
prit un bain, dicta par téléphone un message pour Gustav Hollenstein à Vienne :
    « Venez me rejoindre à Nice, disait-elle, j’ai besoin
de vous. Helena. »
23
    Qu’est-ce qui change ? Le matin, mal réveillé encore,
quand les mains ont du mal à saisir les objets, une cuillère tombe, Carlo s’interrogeait.
Il était debout dans la cuisine de sa maison de Gairaut, la soupe chauffait, il
la versait dans une assiette et parfois, il en renversait un peu, jurant, et
c’était moins une question qui lui venait, qu’une constatation mal formulée
aussi, prise dans les rets du sommeil, lourde de mots de patois, ceux des
maçons quand un contremaître gueulait, que Forzanengo donnait un coup de pied
dans un seau mal rempli, et que les maçons ramassaient alors que le patron
s’éloignait. Carlo mangeait lentement, brisait du pain et avec la mie essuyait
l’assiette, puis il recueillait les miettes sur la table, il les aspirait
portant la paume à sa bouche, le même geste qu’il avait vu faire à son père, à
Mondovi.
    — Es toujou parié, disait-il à mi-voix.
    C’est toujours pareil. Qu’est-ce qui change ?
    Puis il allumait un cigare et d’avoir mangé, les premières
bouffées aussi, le réveillaient complètement. Il restait un moment à savourer,
assis au bout de la longue table de bois clair qu’un menuisier de Gairaut avait
taillée aux mesures. Haute sur pied pour qu’il puisse passer ses jambes sous le
plateau.
    — Vous êtes plus grand que les autres, monsieur
Revelli, disait le menuisier, il vous faut une table rien que pour vous.
    Cette table, cette maison. Devant lui, en contrebas, la
ville, les points qui semblaient clignoter, constellations entrecroisées des
rues.
    La chapelle de Gairaut sonnait la demie de cinq heures.
L’été, Carlo pouvait descendre au jardin. Il prenait le « magao » une
bêche à cinq dents, il retournait la terre, pesant sur la bêche, faisant
éclater les mottes. Mais l’hiver, ce mois de décembre surtout, quand le soleil
n’apparaissait qu’après sept heures, Carlo restait dans la cuisine.
    Anna, dans les premiers jours qui avaient suivi leur
mariage, le rejoignait. Elle disait ;
    — Je t’ai cherché.
    Et elle faisait le geste du bras qui s’étend sur le lit
vide. Ce bras dans la cuisine, elle le tendait vers Carlo pour qu’il s’en
saisisse, mais elle n’osait pas prendre son mari par la main, lui dire : « Viens ».
Elle répétait :
    — Qu’est-ce que tu fais ?
    Elle s’approchait, quelques pas. Carlo montrait l’assiette :
    — Tu vois bien, répondait-il.
    Anna le regardait, le visage baissé, comme une petite fille
prise en faute. Il disait encore les chantiers, celui du grand hôtel sur la Promenade,
le plus gros chantier qu’ils avaient jamais eu.
    — Si on les surveille pas…
    — Vous êtes pareils, disait Anna en s’en allant.
    Elle se retournait sur le pas de la porte :
    — À quoi ça sert alors de plus être ouvrier, ma mère…
    Carlo s’était remis à manger, Anna s’interrompait, fermait
doucement pour ne pas réveiller les enfants.
    À quoi ça sert ? L’hiver surtout, quand il lui fallait
bien rester dans la cuisine, attendre, l’odeur de terre humide imprégnant la
pièce et Carlo se levait, ouvrait une fenêtre, la pluie continuait, cette question
revenait. Il avait envie de cracher, de retourner dans la chambre d’Anna, de
dire : « Tu l’as lavée, la merde des autres ? ».
    Et quand Forzanengo venait, qu’il voyait sa main rugueuse de
maçon, il n’avait pas honte d’être de la même race, de ceux qui, comme il
l’avait crié une fois à Anna « ont fait ça » et il montrait la table,
la maison, les lumières au loin « avec ça » et il levait ses mains
devant son visage. Elle se

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