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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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taisait, elle haussait les épaules.
    — On m’a rien donné, continuait-il, je l’ai pris.
    Elle avait tout à coup redressé son visage, elle qui osait
rarement regarder Carlo droit dans les yeux, elle s’était approchée, méprisante
semblait-il :
    — Alors, si tout ça c’est à toi, à quoi ça te sert,
d’être debout plus tôt qu’un maçon, qu’est-ce qui change pour toi ?
    — Je vais te la faire laver la merde au Paillon !
    Elle avait crié, pleurant, s’arrêtant :
    — Mais c’est pour toi, imbécile, pour toi !
    Il sentait bien qu’elle disait vrai, mais quoi ? Il
était l’un de ces ouvriers qui toute leur vie, ont porté des parpaings sur les
épaules, à la base du cou, ils ont comme une bosse, ils marchent la tête
penchée. Quand Carlo passait place Garibaldi, qu’il les voyait, ces vieux,
tournant autour de la place, avec le soleil, il les reconnaissait.
    Lui, il ne pouvait plus dormir le matin. Le matin, on se
lève, on tend ses mains au brasero à l’entrée du chantier, on piétine, on
compte les ouvriers, on sent l’air pour deviner s’il va pleuvoir. Carlo
parfois, au milieu de la matinée, quand le travail roulait, qu’il pouvait
allumer un cigare, faire quelques pas de l’autre côté des palissades, pour
mieux voir comment tenaient les échafaudages, croisait des messieurs, le
journal à la main, des couples qui jetaient du pain aux mouettes, qui riaient,
comment ils faisaient ceux-là ? Un contremaître, penché, se tenant à une
poutre, l’appelait :
    — Monsieur Revelli !
    Il rentrait en courant dans le chantier, il bousculait un
manœuvre :
    — Pousse-toi, bougonnait-il.
    Parfois, il prenait un seau pour faire quelque chose en
montant :
    — Donne-moi ça !
    En passant près d’un maçon, il tendait le seau :
    — Tiens, prends ça.
    — Oh, patron !
    « Tu es comme moi », disait Forzanengo, « tu
as le travail dans le sang ! ».
    Il était assis dans le jardin de la maison. Il venait le
dimanche vers midi, après avoir fait un tour sur ses chantiers et Carlo avait
vu les siens.
    — Tu as besoin de quoi cette semaine ?
    Carlo comptait les hommes, les charrettes, le sable, les
madriers. L’entreprise Forzanengo-Revelli était devenue une des plus importantes
de la ville. Le maire lui avait confié l’asphaltage de la rue
Saint-François-de-Paule. C’était en 1906, avant de le généraliser à toute la
ville, il fallait faire un essai.
    — C’est un risque, avait dit le maire, vous allez
acheter les machines, moi je ne peux rien vous promettre.
    Il était venu à la maison de Gairaut, un dimanche. Honorine,
une veuve que Revelli logeait, qui faisait la cuisine, servait le civet et les
pâtes assaisonnées avec la sauce du lapin. Elle versait dans les assiettes
elle-même, tenant contre elle le plat :
    — Mangez, monsieur le Maire, disait-elle, elles sont
légères, j’ai tiré la pâte, elle était transparente.
    La table était au soleil. Forzanengo avait gardé son chapeau
qui dissimulait ses yeux. Il remplissait le verre du maire d’un vin rosé, puis
il replaçait la bouteille dans un seau rempli d’eau où fondait une demi-barre
de glace vive.
    — Le risque, on le prend, mon beau-fils et moi, si
quand il y aura les autres rues, on peut utiliser nos machines, vous comprenez,
monsieur le Maire, on veut pas seulement les risques…
    — Il est bon votre vin.
    — Saint-Jeannet, c’est du bon, pas celui de cette
année.
    À la fin du repas, Honorine avait servi la grappa, cet
alcool qui sent les plantes, que Forzanengo buvait en rejetant la tête en
arrière, en fermant les yeux, en faisant claquer la langue. Rancaurel, trapu,
le visage rond, une moustache fournie, dégustait lentement par petites gorgées,
gardant l’alcool au bord des lèvres.
    Puis Honorine avait apporté les boules. Forzanengo heurtait
ses boules l’une contre l’autre avant de pointer, les yeux à peine entrouverts.
Il tirait avec assurance, surprenant de souplesse parce qu’on l’imaginait
maladroit, sa corpulence semblant le gêner quand il était assis. Mais il
prenait son élan, faisant deux ou trois grands pas, le bras levé, suivant la
boule après qu’il l’eut lancée et ses mouvements étaient élégants et précis.
Pourtant ce dimanche-là, il manqua presque tous ses tirs, faisant jaillir le
gravier, déplaçant ses propres boules, jurant. Rancaurel marquait.
    — Qu’est-ce qui vous prend ? disait-il.
    Carlo, seul, faisait

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