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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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moment où le soleil l’atteignait, cherchant un nouveau coin
d’ombre, contre un mur, ou bien accrochant le hamac entre les branches d’un
figuier. Il avait dit à Dante « je m’occupe de la machine, fais à bouffer ».
    L’intendance leur donnait quelques francs par jour, une fortune
pour les Arabes du village. Dante leur achetait du lait de chèvre, du fromage,
de la viande de mouton, des oignons, des olives. Il s’installait torse nu
devant le fourneau, découvrant dans sa mémoire des gestes qu’il n’avait jamais
appris, façon de couper les oignons, de les jeter dans l’huile, de les
retourner au moment où ils commencent à roussir. « On dirait que t’as fait
ça toute ta vie ! » disait Giocondi. Il mangeait les avant-bras
appuyés à la planche qui leur servait de table et qu’ils avaient placée sous le
figuier. Dante apportait le ragoût de mouton à la sauce tomate « On bouffe
comme des rois », répétait Giocondi.
    La mémoire des gestes et des odeurs, dans la cuisine des
Merani, devant la cuisinière rue de la République, Dante regardant Lisa, elle
pénétrait en lui, cette façon de remuer la sauce, ce mouvement de la main ;
et il était avec sa mère quand il coupait du lard en petits cubes blancs et
roses avant de les faire revenir avec des oignons. L’enfance à laquelle il
n’avait jamais eu le temps de penser, voici qu’elle était là, entre ses mains,
devant lui, et il s’arrêtait de hacher. Madame Merani entrait dans la cuisine
un plat à la main criant : « Lisa, mais qu’est-ce que tu fais ?
Tout est froid, le docteur… Si tu n’as plus ta tête à toi. » Elle heurtait
Dante assis sur le carrelage. « Et toi, qu’est-ce que tu fais là, Lisa, je
ne veux pas voir ton fils ici, qu’il aille jouer dans la cour. »
    Dante enlevait la casserole de ragoût.
    — Qu’est-ce que t’as dans la tête, tu es un drôle de
coco, disait Giocondi en allumant une cigarette.
    Il s’étirait.
    — Je fais le caoua.
    Le second maître tenait à préparer lui-même le café. Dante
le dos appuyé au tronc du figuier chassant les mouches, fumant pour les
écarter, fermait les yeux. La chaleur comme deux mains pesant sur les épaules,
pour vous coller à terre. Il laissait aller sa tête en arrière, un bruit de
casserole, Giocondi qui taisait chauffer l’eau, un bruit quand il poussait la
porte rue de la République, qu’il criait : « J’ai faim, mamma. »
Antoine et Violette sortaient dans le couloir et Louise criait : « Venez. »
Elle était assise, déjà, la mère debout encore, et quand le père entrait, elle
commençait à servir.
    Servir, servante. Il la voyait alors qu’elle lavait les
vitres du grand salon des Merani, montée sur un tabouret « ne reste pas
là, chuchotait-elle, s’ils te voient ». Il se plaçait près de la porte et
quand il entendait le Docteur ou Madame Merani monter, il courait vers la
cuisine. Elle venait peu après, la bassine sous le bras, changer l’eau.
    — Tiens, bois, disait Giocondi.
    Il poussait la tasse vers Dante. Trapu, chauve, une
moustache cachant presque la bouche il observait Dante, les yeux à demi fermés,
buvant d’un seul coup la tasse de café, passant lentement la langue sur ses
lèvres, disant :
    — T’es un drôle de coco, j’en ai connu un comme toi !
    Histoire : la silhouette d’un marin, « il lisait
tout le temps, les types qui lisent on aime pas, alors on a commencé à le faire
chier, le Bidel, ce capitaine d’armes c’était un salaud, l’autre il a accepté
longtemps, et un jour, hop, la gamelle dans la gueule du Bidel, s’il a pas
crevé, il casse encore des cailloux, tu comprends Revelli, c’est logique, hein ?
Et l’autre, tiens… »
    Histoire encore : ce marin qui avait balancé un coup de
couteau à un officier dans une rue de Bizerte, « le falot, Revelli, et
l’officier qu’on lui avait donné comme avocat qui disait : « Il faut
le punir, il le mérite, il le sait, il l’attend », tu parles » !
    Giocondi se servait une autre tasse de café : « Moi
je le connaissais le gars, deux fois torpillé, deux fois sauvé, et y a un con
de blanc-bec qui lui demande sa perm’, il était rond, la patrouille a voulu
l’arrêter, il s’est défendu, qu’est-ce que t’aurais fait ? Mais les juges,
vingt ans qu’ils lui ont mis. C’est logique, hein ? »
    Giocondi se levait, prenait les tasses.
    — Fais gaffe, Revelli, Guichen il t’aime pas

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