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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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tête :
    — Merde, c’est pas juste, répéta-t-il à mi-voix.
    Les crapauds dans la mare qui se formait autour du puits commençaient
à coasser, notes intermittentes entre lesquelles on entendait le ronronnement
régulier de la pompe.
    — Si tu commences avec la justice, dit Giocondi.
    Il se tut.
    — N’en parle pas trop à bord, continua-t-il.
    Nouveau silence.
    — Ça rapporte jamais. Tu te souviens, Jaurès ? Il
avait que ce mot-là à la bouche. T’as vu ?
    La salle à Nice, les sifflets, les gosses autour de Dante
qui commencent à frapper des pieds en cadence, l’homme au cou si court qui
tentait de parler, puis descendait de l’estrade, la verrière bleue, il avait dit :
« Citoyens », tous les gosses du patronage s’étaient mis à taper des
pieds, à siffler.
    — J’ai vu, dit Dante en se redressant. Mais si personne
dit jamais rien.
    — Y a le moment, dit Giocondi.
    Il se leva, et faisant un signe à Dante, il se dirigea vers
le poste.
     
    On les releva onze jours plus tard, à la fin de décembre
1917. Un camion s’arrêta près du poste et un quartier-maître, deux marins, un
lieutenant en descendirent, le lieutenant inspectant le poste, repartant avec
Giocondi et Revelli. Il s’asseyait près du chauffeur et Giocondi et Revelli, le
dos aux montants, étaient enveloppés d’une poussière rousse qui couvrait leur
vareuse, leur visage, s’accrochant à leurs sourcils.
    Le Cavalier était à quai, repeint, des hommes, pieds
nus, les pantalons retroussés jusqu’aux genoux, lavaient le pont à grande eau.
Guichen, accoudé au bastingage, près de la passerelle, regardait Revelli et
Giocondi sauter du camion, prendre leur sac sur l’épaule, franchir l’étroite
planche oscillante.
    — N’oublie pas de le saluer, dit Giocondi entre ses
dents, gardant la tête baissée.
    Revelli fit le salut, puis il traversa le pont jusqu’à l’écoutille
avant, recevant dans les jambes un jet qu’un marin envoyait, criant : « Attention
Revelli, ça mouille. »
    La batterie, les tôles brûlantes, le sac de Raffin, Revelli
le cherche, descend dans le poste. Odeur de peinture, d’huile, silence étonnant
là où résonnent les sabots des chauffeurs, le ronflement des chaudières, le
halètement des bielles plongeant dans l’huile. Revelli crie « Raffin ! ».
Il est derrière le monte-charge, recroquevillé, somnolent. Revelli le secoue :
    — Nice, tu…
    — J’arrive, dit Raffin en se frottant les yeux, je me
suis planqué, Guichen…
    Il s’interrompt.
    — Bon, bon.
    Revelli s’installe près de Raffin.
    — Ta mère, dit Raffin, j’ai le sac plein, ils m’ont
gavé comme une oie.
    Lisa l’avait fait asseoir à la place de Dante, le servant le
premier. Vincente avait posé trois paquets de cigarettes près de son assiette.
Raffin ne voulait pas s’attarder, les filles du bordel de la place Pellegrini,
avait dit un chasseur dans le train « elles sont… t’en trouveras pas »,
mais comment partir, pourquoi partir ? Ils n’avaient même pas enlevé la
nappe, seulement balayé les miettes, laissé les verres, Violette disposant les
assiettes pour le bouillon de poule du soir. L’après-midi avait passé vite,
Raffin avait parlé de Dante et de la guerre.
    — Ils vont bien, répétait-il à Dante.
    Ils montèrent dans la batterie, Raffin ouvrant le sac,
s’excusant : « J’ai dû bouffer pendant le voyage, ça pourrissait, tu
comprends. » Il dépliait une serviette aux rayures bleues que Dante
reconnaissait et qui contenait un morceau de tourtes de bettes. « Je t’ai
gardé ça » disait Raffin.
    Dante s’assit, commença à manger lentement, fermant les
yeux, reconnaissant la pâte, ce goût d’huile et de sucre, elle s’effritait, moelleuse
et sèche en même temps.
    Sa mère quand elle étirait ainsi, faisant rouler le bâton
sur la boule de pâte, était obligée de les écarter, Dante et Louise, plus tard,
Violette et Antoine. Ils tentaient d’arracher des morceaux sucrés qui collaient
aux dents. Elle pétrissait, elle étirait, elle jetait un peu de farine, comme
on poudre pour éviter que le rouleau ne se colle à la pâte, puis quand elle
avait recouvert la tourte, avec le morceau de pâte restant, en deux coups de
pouce, elle sculptait une sorte d’animal qui tenait de la tortue, du canard et
qu’elle appelait l’oiseau. On portait le plat du jour et quand il revenait, les
enfants se partageaient cet étrange animal, encore

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