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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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couches entassées qui la dissimulaient : « On
avait un oncle. » C’est le père, un soir, dans le jardin, à Gairaut, qui
s’était mis tout à coup à parler, parce que Luigi, son frère, était passé dans
la journée, sans prévenir, avec une femme qui s’appelait Rose, et qui portait,
chemins inattendus de la mémoire, une robe avec des fleurs rouges. « Un
oncle, à Ceva, on l’appelait le Bel Cantante, le beau chanteur, et Luigi, quand
il est revenu de chez l’oncle, il chantait. »
    Alexandre prit un omnibus pour Ceva. Assis au milieu des
paysans et des maçons, des vieilles, il était de ce pays. Oublié le fascisme.
    Il s’installa dans un hôtel simple, sur une place du
quartier ouvrier, prenant ses repas dans une auberge sombre où les consommateurs
restaient immobiles, chapeau de feutre gris, coudes écartés posés sur la table,
un verre de vin devant eux, silencieux, paraissant rêver, les yeux ne cillant
pas. Certains fumaient les mêmes cigares que le père, et leur visage ne
s’animait, leurs yeux ne se plissaient qu’au moment où ils aspiraient la fumée,
puis la rejetaient, retrouvant enfin l’impassibilité.
    Alexandre allait dans les rues, cherchant un Revelli au
hasard, interrogeant la serveuse. On l’envoyait à un charcutier, chez un
médecin. Puis la police, encore l’interrogatoire, et l’un des miliciens disait :
« Forse é… » Peut-être est-ce Nono Revelli ?
    L’oncle de Carlo Revelli était mort, mais il avait un fils
qui possédait une papeterie dans une des rues proches de la piazza Cavour. Même
visage, pommettes marquées, maigreur du corps, sécheresse des gestes, cheveux
blancs ondulés, et un fils d’à peine vingt-cinq ans, l’âge d’Alexandre,
lieutenant d’alpini, les chasseurs alpins italiens.
    Quand Alexandre était entré dans la papeterie avec le
milicien, Nono Revelli avait eu une expression inquiète, puis, le fasciste
parti, il prenait le bras d’Alexandre : « Le fils de Carlo !
Tanti anni, tant d’années », disait-il. Il s’exclamait. Giuseppe, le
lieutenant, devait venir le lendemain.
    Nono ouvrait une bouteille d’asti, mais, peut-être le vin
doux, ou bien la chaleur orageuse, Alexandre se sentait mal à l’aise. Une vie
possible ici pour les Revelli, comme si devant ses yeux se déroulait un destin
qui aurait pu être celui du père, puis le sien. L’image de la vie tout à coup
se dédoublait. Là-bas. Ici. Un hasard qui avait décidé. D’où était-il,
Alexandre ? Qui était-il ? Il avait hâte de repasser la frontière
pour retrouver la terre ferme.
     
    — Tu ne m’as jamais raconté cette histoire, disait
Nathalie. Elle s’était assise près de son mari, le dos appuyé à un rocher.
    Alexandre se tenait penché en avant, essayant de nouer des
aiguilles de pin qui se brisaient entre ses doigts. Jean Karenberg, assis plus
loin sur une souche, essuyait le verre de ses lunettes que la sueur et la
chaleur avaient embué.
    — Je suis rentré à Nice, concluait Alexandre. Pas vu
Florence, pas vu Rome, et je n’ai rien dit à mon père.
    Ils restaient tous les trois silencieux. Pas un souffle
encore sur les collines. La chaleur retirée, le soleil bas à l’ouest. Un moment
d’accalmie, avant les bruissements du crépuscule et la brise.
    — Il faut redescendre, dit Nathalie.
    Sur le sentier, elle sautait de pierre en pierre, s’arrêtant
pour attendre Alexandre et Jean Karenberg. Quand ils la rejoignaient, elle
commençait à parler sans les regarder :
    — C’est drôle les relations avec ton père. Peut-être,
quand il y a deux hommes, c’est toujours la guerre. Entre mon père et moi… –
Elle riait. – Depuis qu’il a rencontré cette Russe, Katia, la fille d’un
général, un blanc, bien sûr.
    Elle les attendait de nouveau.
    — Elle est à peine plus âgée que moi. Vingt-neuf, je
crois.
    — Et votre père ? demanda Karenberg.
    — Soixante-cinq. Pas mal, non ?
    Elle rit encore, s’appuya au bras de Karenberg :
    — Vous trouvez ça immoral, Jean ?
    Il eut un mouvement de tête, méditatif :
    — Si votre père n’était pas…
    Nathalie l’interrompit :
    — Mais il n’est pas dupe, dit-elle. Ni lui ni Katia.
Lui, il a de l’argent ; elle, vingt-neuf ans. Ils échangent.
    — Précisément, dit Jean, c’est là…
    — Si vous voulez, reprit Nathalie, mais alors il faut
tout bouleverser, changer toutes les règles. Pourquoi pas ? Mon père n’est
pas loin

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