Nice
l’Italie fasciste, dont le régime sert de modèle
à bien des agitateurs français, obligerait à une surveillance étroite de la frontière,
et plus généralement de toute la région de la Côte d’Azur qui, du fait de sa
vocation touristique, est un lieu cosmopolite où peuvent être ménagés des
rendez-vous discrets.
Il nous est impossible avec nos moyens actuels d’assurer
cette surveillance.
Nous avons pu, cependant, relever la présence, ces jours
derniers, du colonel de BEUIL ,
ancien attaché militaire à Rome, dont le nom a été à plusieurs reprises cité
dans l’enquête menée par mes collègues parisiens.
À titre privé, le colonel BERTAUD a séjourné à Antibes où il a été l’hôte du député RITZEN , père du commandant Pierre RITZEN et du Dr Jules RITZEN . Le colonel BERTAUD était l’adjoint du colonel
DE BEUIL à
Rome. Il a servi, durant le conflit mondial, sous les ordres de Monsieur le
Député RITZEN , alors commandant.
J’insiste à nouveau sur l’urgence qu’il y aurait à
détacher à Nice deux inspecteurs ayant suivi à Paris l’enquête sur la Cagoule.
La coopération avec le Service de renseignements de l’Armée
(S.R. et 2 e Bureau) devrait, par ailleurs, être plus étroite.
Je sollicite de la Direction de la Police criminelle, de
la Sûreté nationale et du ministère de l’intérieur une intervention dans ce
sens auprès du ministère de la Guerre.
Dans mes rapports du 14 novembre et du 8 décembre 1937, je
faisais état d’une information indiquant que Joseph DARNAND avait été contacté par le Service de
renseignements de l’Armée, je notais que les activités de DARNAND ne semblaient pas devoir le désigner
pour une mission de renseignement, je…
… COMMISSAIRE PRINCIPAL LORILLOT .
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Ils marchaient le long du sentier du bord de mer taillé dans
les rochers blancs crevés et lavés par les vagues, ligne sinueuse et étroite
que la pinède et l’écume frangeaient. Parfois la mousse, les algues verdâtres,
glissantes, et l’on voyait des crabes roux minuscules disparaître dans cette
toison emmêlée, coupaient le sentier. Pierre Ritzen tendait la main à son père
qui refusait, montrait sa canne, s’assurait un appui, et, faisant un grand pas,
franchissait la zone humide, se retournant vers le colonel Bertaud qui
continuait de parler, indifférent au paysage. Les récifs, à quelques dizaines
de mètres du rivage, formaient une barrière brune auréolée d’écume, et l’on
commençait d’apercevoir les îles maintenant que le sentier atteignait
l’extrémité du cap d’Antibes. Le vent chargé d’embruns frappait de face, déferlant
sur la voix de Bertaud.
Ritzen s’était arrêté près de son fils. Il montrait à
Bertaud un grillage qui partageait la pinède et descendait jusqu’aux rochers.
— Notre propriété s’arrête là, disait Ritzen. Au delà…
Il levait la canne. Au-dessus des pins parasols, on
distinguait une corniche, l’angle d’un toit, le crépi rose d’une haute façade.
— Le parc du Grand Hôtel des Iles, ajoutait Ritzen.
Il se dirigeait vers les arbres, choisissait de rentrer à
l’abri du vent par le sentier qui, couvert d’aiguilles de pin, rejoignait
directement la maison. Dès qu’on quittait le bord de mer pour la pinède, on
entrait dans le silence, à peine effleuré, à la cime des arbres, par une ride
de surface.
— Il faut que je vous raconte, continuait Ritzen. Une histoire
à l’image de la France d’aujourd’hui. Les propriétaires de l’hôtel sont un juif
autrichien, qui a passé toute la guerre en Suisse…
Ritzen s’était arrêté, le dos appuyé à un pin, dessinant du
bout de sa canne de longs sillons dans l’épaisse couche d’aiguilles, les effaçant
du bout du pied, se remettant à marcher.
— L’autre, c’est un Piémontais, français, bien sûr. Je
l’ai connu anarchiste, plus ou moins honnête, mais je n’ai jamais pu le prendre
sur le fait. Une fortune, aujourd’hui. Son fils est architecte, il a épousé la
fille du juif. La France, mon cher Bertaud, la France.
Ritzen s’arrêta de nouveau.
— J’oubliais. La première femme d’Hollenstein, une
Russe, une baronne balte. En 18, nous l’avions placée en résidence surveillée.
Elle s’intéressait à nos officiers. Elle s’est pendue – il hoche la tête.
Voilà, ce sont mes voisins.
Montrant de nouveau, avec sa canne, les arbres au-dessus du
grillage, il ajoute après un
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