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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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s’imaginaient
qu’il somnolait, les yeux mi-clos, les mains à plat sur les genoux, les traits
du visage figés dans le soleil d’automne léger comme une gaze. Ça, répétait-il,
c’était pas le pire.
    Violette posait ses deux mains sur les épaules de Sam, se
penchait vers lui jusqu’à lui toucher la tête avec ses lèvres. Elle avait
besoin de ce contact pour se rassurer, pour dire à Sam, à Rafaele aussi qui
ouvrait les yeux, les regardait, qu’elle était avec Sam, qu’ils allaient faire
face ensemble, à ce pire devant lequel Rafaele reculait.
    — E cosi, disait-il. C’est comme ça. Peut-être, ça ne
peut être que comme ça.
    Il se dérobait quand Violette l’interrogeait.
    — Pourquoi vous n’expliquez pas ?
    Rafaele haussait les épaules, s’appuyait sur les poignets,
les avant-bras :
    — Excusez-moi, disait-il.
    Il avait besoin de leur aide, elle lui tendait les mains,
Sam le soulevait et l’accompagnait jusqu’à sa chambre.
    Un soir du mois de décembre 1937, l’air était tiède malgré
le souffle qui descendait des baous vers la mer, effleurait les remparts de
Saint-Paul, gonflant les platanes de la place, laissant un sillage qui sentait
le citron et la mandarine, un soir, Nathalie avait appelé de la rue, poussé la
porte que Sam ne fermait jamais.
    — Encore des Revelli, disait Violette à Rafaele,
présentant Alexandre, Nathalie. Et voici Jean Karenberg.
    Ils s’asseyaient sur les coussins dans l’atelier, Rafaele
dans le fauteuil poussé contre le chevalet, et l’immobilité, ce fond noir de
l’atelier où se détachait la collerette de plâtre, dentelle blanche, la pâleur
des joues ombrées, ces cheveux qui se confondaient avec le fond, une goutte de
sueur qui perlait sur le front, et Violette la suivait jusqu’aux sourcils,
comme le détail d’un portrait qui tout à coup s’anime. Elle se levait pour
échapper à la fascination, servir à boire.
    — Vous étiez là-bas ? demandait Alexandre. Cette
fois-ci, on n’ose pas trop y croire, mais les Républicains ont des chances.
    Neige sur Teruel, la crête au-dessus de la ville est
blanche, et c’est vers elle que marchent les troupes républicaines de Lister.
    — Ils ont encerclé la ville, continue Alexandre, ce
général Lister… Peut-être cette fois-ci Franco va craquer.
    Violette lève la tête. Rafaele n’a pas bougé.
    — C’est une guerre politique, dit Sam. Elle se décide à
Paris, à Londres, à Moscou. Je ne veux pas dire… – Il se tourne vers
Rafaele – Ceux qui se battent, bien sûr, il faut se battre, mais la clef
est ailleurs.
    — La clef, ce sont les Espagnols, dit Jean Karenberg. À
Madrid, on crève de faim, tous les jours il y a des bombardements.
    — Vous étiez à Madrid ? demande Rafaele.
    — Bien sûr, dit Jean. Cet été, au Congrès des
écrivains, nous avons…
    Il hésite. Cette farce. Condamner André Gide pour son livre
sur l’U.R.S.S. Interviewer Malraux. Écouter un Soviétique expliquer que tous
les adversaires de Staline sont des hitlériens, pendant qu’on roule en
Rolls-Royce vers l’hôtel Florida. Hemingway est sur le seuil, il monte la
façade criblée d’éclats. « Ils ont remis ça », crie-t-il.
    — Les écrivains, commence Rafaele, qu’est-ce qu’ils
peuvent ?
    Il s’appuie sur les accoudoirs du fauteuil. Violette s’élance :
    — Vous voulez ?
    Il se laisse aller en arrière.
    — Le pire, continue-t-il, ce n’est pas les camarades
qu’on voit brûler dans les herbes.
    Le silence. Violette s’est figée. Il lui semble qu’elle
entend battre le cœur de Rafaele, qu’une explosion va se produire, l’émotion
est trop forte.
    — Mon frère, reprend Rafaele, mon frère Francesco, il a
été fusillé à Rome par les fascistes. S’il avait été en Espagne, é cosi, on
l’aurait fusillé aussi, mais pas les fascistes, les vôtres.
    Tout le corps de Rafaele bouge pour désigner Jean Karenberg.
    — Bon, dit Sam.
    Il tend son verre à Violette, appuie sur le goulot de la
bouteille pour qu’elle verse davantage.
    — Bon, répète-t-il, on y est.
    Le sang comme une boue que l’on s’envoie en plein visage. Chacun
le sien. Staline qui fait tuer à Barcelone.
    — Je les ai vus, crie Rafaele. Ils n’ont pas jugé. Ils
ont assassiné.
    Si je n’avais pas été dans les Brigades mais dans les régiments
trotskistes ou anarchistes, au mur, au mur, comme mon frère à Rome.
    — La guerre, dit Karenberg, la guerre, il y

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