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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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vous voulez pour nous… Mais nous, on pense
différemment, c’est normal. Vincente a trouvé du travail, il va être livreur à
la brasserie Rubens.
    — Ce que j’ai fait…
    Madame Merani tordait son mouchoir.
    — Ces enfants, tout ce que je leur ai donné, je suis la
marraine.
    Sa voix aiguë s’éraillait par moments, comme si elle allait
se rompre en un sanglot.
    — Ils viendront vous voir.
    — Garde-les tes enfants, cria Madame Merani. Je ne veux
pas que tu me les envoies à Noël ou à Pâques, pour les cadeaux. Rien, vous
partez, mais ne revenez plus.
    Elle claqua la porte.
    Vincente resta un long moment debout. Lisa se mit à ranger
les assiettes.
    — Dante, dit-elle, couche Antoine et Louise.
    — Il faut s’en aller, maman, avait dit Dante.
    Rue de la République ils habitaient une maison basse, avec une
cour intérieure, un balcon de fer, sur lequel on avait aménagé les cabinets.
L’appartement qu’ils occupaient donnait sur la rue. Et Dante tout de suite aima
ce quartier. Il continuait à aller en classe rue Saint-François-de-Paule,
l’instituteur avait insisté, mais il avait hâte de retrouver la place
Garibaldi, la longue rue de la République, qui partait vers l’est et où souvent
passaient les soldats. Il voyait, avant même d’entendre, la fanfare, les
cuivres des clairons levés à bout de bras, les cors portés à l’horizontale
au-dessus de la tête avant d’être embouchés ; le soleil d’ouest chantait
sur le métal, Dante courait avec les gosses du quartier au-devant des chasseurs
alpins, et bientôt, ils précédaient le tambour-major, certains gosses faisant
la roue, ouvrant la marche au défilé.
    La rue de la République, c’était comme la scène d’une
parade. Vincente avait dit à son fils : « C’est par ici avec ton
oncle Carlo que nous sommes entrés dans Nice. » Dante refaisait le trajet,
partant de la place Garibaldi, remontant vers l’est, courant derrière les premières
voitures du tramway électrique qui se dirigeaient vers les abattoirs ou bien
vers le dépôt du boulevard Sainte-Agathe. Les gosses couraient, s’accrochaient
aux voitures, sautant en marche quand le receveur s’approchait. La place
d’Armes n’était pas loin. On traversait par le nouveau pont Barlo que la Reine
Victoria avait inauguré en 1889. Un des premiers souvenirs de Dante, son oncle
Carlo, qu’ils avaient rencontré par hasard, et qui avait soulevé Dante à bout
de bras :
    — Regarde une Reine, avait dit l’oncle.
    Puis il avait posé Dante au sol, avait placé dans sa main
une pièce :
    — Et moi je suis le Roi.
    La pièce était grosse. Dante pouvait à peine refermer ses
doigts sur elle.
    — Tu la montreras à ta mère, ajoutait Carlo en se
penchant. Dis lui, « c’est mon parrain qui me l’a donnée. »
    Puis l’oncle s’était éloigné, saluant à peine son frère, et
Dante suivait cette silhouette qui dépassait la foule des épaules.
    Une fois traversé le pont Barla, Dante longeait la rive
droite du Paillon. Souvent il descendait dans le lit de la rivière avec Millo,
le fils de l’épicier qui avait sa boutique, 37 rue de la République. Les
lavandières avec des pierres entassées, des planches, ralentissaient le cours
d’un des ruisselets qui constituaient en fait une bonne partie de l’année, le
Paillon. À genoux, elles frottaient le linge, qu’elles rinçaient dans de grands
baquets. Puis elles l’étendaient sur des fils tirés entre deux montants plantés
dans les graviers du lit. Dante, Millo, construisaient un barrage, espéraient
toujours découvrir un poisson, soulevaient des blocs, s’aspergeaient. Dante
s’arrêtait pour surveiller Louise, Antoine que sa mère lui confiait afin de
pouvoir ranger la maison, laver le linge de Mme Millo, ajouter ainsi quelques
sous à la paie de Vincente.
    Un coup de clairon les faisait remonter sur les quais,
courir vers la place d’Armes. Là c’était comme si le cirque Barnum et Bailey
avait toujours ses tentes dressées, ou comme si Buffalo Bill et ses Indiens continuaient
leurs cavalcades. Pour Dante, les deux cirques ç’avait été l’Amérique,
débarquée là par surprise. Des trains s’arrêtant en gare de Riquier, les
éléphants de Barnum et Bailey, descendant par des plans inclinés trompes
dressées, l’odeur de paille et d’urine, et Buffalo Bill, conduisait la charge
des Indiens. Depuis Dante croyait, quand il suivait chaque semaine dans
l’illustré les

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