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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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allaitait Violette et elle avait à peine penché la
tête vers Dante quand il l’avait embrassée.
    — Ne traîne pas, passe chercher Louise.
    Puis elle avait poussé un cri, essayant de sa main libre de
saisir Antoine qui courait dans la cuisine, renversant des chaises.
    — Tu veux travailler ? demanda Piget.
    Il s’était mis à écrire.
    — Il sait lire ton père, demanda-t-il.
    — Oui, dit Dante. Il sait lire le français et
l’italien. Il m’a fait réciter. C’est lui qui a appris à maman.
    Piget leva les yeux tout en pliant la feuille quadrillée
qu’il avait séchée avec un buvard rose, rayé de grands traits violets.
    — Tu lui donneras ça. Tu peux le lire si tu veux.
    Piget repoussa sa chaise, se balançant en arrière comme il
en avait l’habitude quand il criait à Revelli « monte au tableau ».
    — Combien vous êtes chez toi ?
    — J’ai deux sœurs, un frère, dit Dante.
    — Plus grands ?
    — Je suis le plus vieux, dit Dante.
    — Rends-moi ça.
    Piget reprit le billet, le déchira. En recommença un autre
qu’il froissa, le jetant loin contre le mur.
    — Qu’est-ce que tu veux que j’écrive, hein Revelli, que
tu devrais suivre le cours supérieur, le cours complémentaire ? Ils n’ont
qu’une hâte c’est de te faire travailler.
    Dante sentit son visage devenir brûlant. Il eut honte, sûr
qu’il était rouge. Il voulait partir, comme il l’avait désiré déjà, le soir du
feu d’artifice deux ou trois ans avant. Il attendait qu’éclatent les premières
gerbes, que s’effeuillent ces fleurs roses et vertes qu’on lançait depuis le
château. Mais il avait aperçu devant le porche le Docteur Merani, en habit,
tenant son chapeau haut de forme à la main. La municipalité recevait à l’Opéra
le président de la République Émile Loubet. Il y eut un premier coup de canon,
puis une lueur blanche et le silence.
    — Mais qu’est-ce que tu fous, cria le docteur.
    Dante à la fenêtre se tassa.
    — Vincente, dépêche-toi, nom de Dieu, continuait
Merani.
    Et la voix de son père, sourde, faible.
    — Il a peur, disait-il, ce coup de canon, j’arrive pas
à le faire sortir.
    — Tu es imbécile.
    Merani s’emportait. Dante le voyait qui s’avançait vers
l’écurie.
    — Tu es moins empoté dans un lit. Là tu t’agites.
    Madame Merani était sortie de l’ombre. Elle avait murmuré
quelques mots et Merani avait regardé dans la direction de Dante, haussant les
épaules, se mettant à marcher de long en large dans la cour. Dante avait fermé
les yeux.
    — Ton intérêt, continuait Piget, ton intérêt à toi et à
eux, mais ils ne voient pas plus loin que la fin de leur semaine, s’ils
voyaient est-ce qu’ils…
    Il s’interrompit, mit son canotier sur la tête, prit une
autre feuille de papier, recommença à écrire.
    — C’est pas eux, c’est moi, dit Dante. C’est moi qui
veux.
    Il voulait depuis qu’ils habitaient au 42 rue de la
République, non loin de la place Garibaldi. Ils avaient quitté la maison
Merani, au mois de septembre 1901, quelques mois après cette scène entre le
député et son père que Dante avait surprise et qui l’avait ému, ses joues
brûlant comme après une gifle. Sa mère et son père ne lui avaient rien dit mais
il les écoutait.
    — On ne leur doit rien, disait sa mère.
    — S’il veut, répondait Vincente, il peut dire de ne pas
m’embaucher.
    — Il ne le dira pas, disait Lisa.
    Un soir, Madame Merani était entrée dans la cuisine, le
visage rouge, le mouchoir serré entre ses mains.
    — Vous avez décidé ? Comme ça, sans rien me dire,
comme des hypocrites.
    Lisa continuait à laver la vaisselle, Vincente s’était levé,
s’appuyant à la table de marbre. Dante gardait Antoine contre lui et Louise se
tenait près de son père, cherchant sa main.
    — Il ne faut plus que Lisa travaille, avait dit
Vincente. Elle a les enfants.
    — Et tu crois qu’elle travaille pour moi, ici !
    Madame Merani s’avançait vers Vincente puis reculait.
    — Elle est toute la journée avec les enfants que tu lui
as faits, ajoutait-elle.
    — On part, c’est décidé, Madame.
    Lisa sans cesser de laver, continuait :
    — Ce n’est pas bon pour des enfants d’avoir des parents
domestiques. Vincente et moi, on ne veut pas, dites qu’on est fier si vous
voulez. C’est pour les enfants.
    Puis elle avait posé l’assiette, essuyant ses mains au
tablier, regardé Madame Merani.
    — Vous,

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