Noir Tango
temps.
— Vous avez vu ce qu’ils ont fait à
Carmen ? Il faut prévenir la police.
— Vos amis s’en chargeront.
Que voulait-il dire par là ? Tout était
confus dans son esprit. Voyons, il fallait qu’elle réfléchisse, vite.
— Je ne comprends pas.
— C’est simple pourtant : messieurs
Tavernier, Ben Zohar, Zederman et Dayan ne sont-ils pas de vos amis ?
Comment connaissait-il les noms d’Amos, de
Samuel et d’Uri ? Son cœur s’emballa, ses mains devinrent moites.
— Vous faites bien partie d’un réseau
de vengeurs ?… Ils étaient sur le point de vous retrouver.
— Mais alors pourquoi…
— … vous avoir arrachée des mains de
Rosa Schaeffer ?…
Tout tournait dans la tête de Léa… Il
connaissait Rosa Schaeffer… Alors ?… elle tenta d’ouvrir la portière.
— Ne faites pas cela, vous vous tueriez.
Un pistolet avait surgi dans sa main libre.
— Si vous recommencez, je vous tire une
balle dans le genou.
Malgré tous ses efforts, Léa ne parvint pas
à retenir ses larmes.
— Ne pleurez pas, belle enfant, vous
allez gâcher ce joli visage. Tenez, je vous promets que si vous me dites très
gentiment ce que vous savez de l’organisation de vos amis juifs, vous aurez la
vie sauve, parole d’officier SS.
SS, il avait bien dit SS ? Toutes les
horreurs de la guerre étaient dans ce mot. Elle revit ses amis assassinés, les
monceaux de cadavres du camp de Bergen-Belsen, le corps mutilé de Carmen… Ses
doigts lâchèrent la poignée de la portière. Elle s’affaissa contre Rik
Vanderveen.
François Tavernier
fit part à l’ambassade de France de la disparition de Léa. L’ambassadeur et lui
furent reçus à leur demande par le chef de la police, le général Velazco.
— Je me souviens très bien de
mademoiselle Delmas, une jeune fille ravissante. Elle a sûrement fait une
escapade amoureuse, vous ne devriez pas vous inquiéter, monsieur l’Ambassadeur.
Les jeunes filles européennes, maintenant…
— Général Velazco, nous sommes certains
qu’il ne s’agit pas d’une escapade…
— Vos informateurs seraient-ils mieux
renseignés que les miens ?
— Il ne s’agit pas d’informateurs, mais
de témoins qui ont vu mademoiselle Delmas entraînée de force dans une voiture. Un
des témoins a relevé le numéro du véhicule.
— Pourquoi n’est-il pas venu trouver la
police de son pays ?
— Il aura eu quelque crainte.
— Monsieur Tavernier, un homme honnête
n’a rien à craindre de la police.
— Sans doute…
— Quel est son nom ?
— Je ne l’ai pas retenu.
— Vous vous moquez de moi, monsieur
Tavernier… vous dites avoir un témoignage concernant la disparition de
mademoiselle Delmas et vous ne vous souvenez pas du nom du témoin ?
— C’est pourtant le cas, répondit-il
froidement.
Le général Velazco se leva.
— Excellence, monsieur… vous avez bien
fait de venir me voir. Malgré le peu d’éléments dont je dispose, je vais
ordonner une enquête… Je ne manquerai pas de vous tenir au courant.
— L’hypocrite,
le salaud !
— Calmez-vous, mon cher, cela ne sert à
rien de vous mettre dans un état pareil, dit Vladimir d’Ormesson. Nos services
vont enquêter de leur côté.
— Mais Léa sera morte avant. Vous savez
ce qu’ils ont fait à Carmen Ortega ?
L’ambassadeur poussa un soupir de
découragement.
— Je vous en prie, Tavernier, soyez
prudent…
— Je n’en ai rien à foutre de vos
conseils de prudence… c’est ce que je disais à Léa il y a deux jours.
— Puis-je vous déposer quelque part ?
— Non, merci, je vais marcher.
La voiture officielle s’éloigna.
— Mon nom est
Albert Van Severen, je suis Flamand. J’ai été un des premiers volontaires de la
Légion flamande avec mon camarade le député Reimond Tollenaere. Nous nous
sentions très proches de l’Allemagne. Dès le début de la guerre, Tollenaere
écrivait dans le journal de notre parti, le Volk en Staat : « Dans
ce monde d’attentistes, d’anglophiles et de lâches bourgeois, nous ne cachons
pas notre sympathie pour le combat que mène l’Allemagne. Nous sommes dans le
même camp et, plus que jamais, son combat est le nôtre ! » Nous
sortîmes de Radom avec le grade de Untersturmführer SS [97] . Nous
combattîmes devant Leningrad. Là, Tollenaere, mon camarade, mon frère, fut tué
le 21 janvier 1942. Cette mort renforça ma foi en Hitler. La Légion flamande
fut héroïque au point
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