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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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fallait se réveiller, se lever, appeler Sarah et Samuel. Elle rouvrit les
yeux… ce n’était pas un cauchemar.
    Depuis combien de temps était-elle ici, attachée
dans cet endroit nauséabond et mal éclairé ? Cette fois, le gémissement
était bien réel. Malgré les liens qui entravaient ses bras et ses pieds, Léa
parvint à se redresser. À quelques pas seulement, c’était d’un corps roulé en
boule, agité de tremblements, que venaient les plaintes. Elle parvint à se
mettre debout, avança en sautillant… et se laissa tomber près du corps
tremblant. Ce vêtement jaune, abîmé… tâché… une impression de déjà vu… cette
sensation d’impuissance, ce déchirement !… le mal, toujours le mal… Carmen…
    — Carmen !
    Un bref instant, le tremblement s’arrêta. S’aidant
de ses mains nouées, Léa parvint à la retourner. Oh non !… un œil fermé, le
visage couvert d’ecchymoses, la bouche en sang…
    — Carmen… parle-moi… ma chérie, je t’en
prie…
    Les pauvres lèvres déchirées esquissèrent un
sourire qui devint rictus de douleur. Deux dents manquaient…
    —  Che…
Léa, tú también   ? [82]
    —  Che , Carmen .
    Blottie contre son amie, Léa se mit à
sangloter.
    — Ne pleure pas… j’ai soif… là, calme-toi…
    Combien de fois lui avait-on dit « calme-toi » ?…
Elle eut honte de ses larmes, releva la tête… Ce n’était pas seulement le
visage de Carmen qu’ils avaient massacré, mais ses mains… ses seins… les mêmes
brûlures que Sarah… Non ! la guerre était finie… on ne torturait plus… l’Argentine
n’était pas l’Allemagne… et cependant ?… là ?… cette linda chica défigurée… ces doigts écrasés… ces seins brûlés… cette jupe serrée entre les
cuisses… ce sang !… tout ce sang…
    Le hurlement de Léa fit sursauter Carmen.
    — Tais-toi… ils vont revenir… tais-toi…
je n’ai rien dit… Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai rien dit… Ils veulent Sarah
et les autres… toi non plus… ne dis rien…
    — Mais je ne veux pas que l’on me fasse
du mal !
    Malgré ses souffrances, cette réflexion
arracha un sourire à Carmen qui se termina sur un cri.
    — Pardonne-moi, je dis n’importe quoi. Qui
t’a mise dans cet état ?
    —  Una mujer. [83]
    — Une femme !… mais comment cela
est-ce possible ?… Oh non !…
    L’image de Sarah portant son enfant mort… la
tête fracassée du bébé… ce médecin riant… Rosa Schaeffer !… Rosa Schaeffer…
accablée, Léa sentait sa raison la quitter.
    Il fallait pourtant faire quelque chose, elle
n’allait pas se laisser massacrer comme Carmen ?… D’abord, se défaire de
ses liens. De ses doigts engourdis, elle parvint après bien des tentatives à
dénouer la ficelle de chanvre qui entourait ses chevilles. Avec ses dents, elle
s’attaqua à celle de ses poignets mais ne réussit qu’à en resserrer les nœuds. La
sueur ruisselait le long de son visage et de son dos, sa légère robe fleurie
lui collait à la peau. Dans la sorte de cave où elles étaient, il n’y avait que
des caisses, des tonneaux, pas le moindre instrument tranchant… il lui sembla
que les gémissements de Carmen se faisaient de plus en plus faibles… elle s’avança…
la jeune Argentine était évanouie. « Cela vaut mieux, pensa-t-elle, elle souffre
moins… » Soudain, un bruit de voix… des mots en allemand… Léa se
recroquevilla près de son amie.
    —  Wo ist das Mädchen   ?… Icb sehe es nicht. [84]
    —  Hier, Doktor, sie bat es geschafft,
Ihre Beine zu entbinden. [85]
    Rosa Schaeffer et Barthelemy ; derrière eux, l’homme
du bar.
    —  Da ist also die berühmte
klein Französin… Hübsches Mädchen… Schade ! Icb hoffe, daß sie wenigen
hartnäckig als die klein Argentinerin… Ist sie tot   ? [86]
    —  Noch nicht , [87] dit Barthelemy en donnant un coup de pied à Carmen qui gémit et en forçant Léa
à se relever.
    —  Dann, bringen ihr sie um. [88]
    — Non ! hurla Léa.
    Rosa Schaeffer éclata de rire.
    —  Wir waren nicht sicher, dass du
deutsch verstehst… Es ist eine gute Sache, daß werden wir Zeit gewinner. Ich
will die Namen und Adressen der Mitglieder des Netzes deiner jüdischen Freundin…
willst du nicht antworten   ? Wenn du dich darauf versteifst, wirst
du nie wieder, einen Liebhaber haben… wie du willst. Worauf warten ihr um die
andere umzubringen   ? [89]
    —  Ich bitte Sie, laß sie leben   !

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