Odyssée
entendit, et il s'arrêta inquiet. Et il pensait dans son esprit que ses compagnons accouraient pour le rappeler par l'ordre de Hektôr ; mais à une portée de trait environ, il reconnut des guerriers ennemis, et agitant ses jambes rapides, il prit la fuite, et les deux Argiens le poussaient avec autant de h‚te.
Ainsi que deux bons chiens de chasse, aux dents aiguÎs, poursuivent de près, dans un bois, un faon ou un lièvre qui les devance en criant, ainsi le Tydéide et Odysseus, le destructeur de citadelles, poursuivaient ardemment le Troien, en le rejetant loin de son camp. Et, comme il allait bientôt se mêler aux gardes en fuyant vers les nefs, Athènè donna une plus grande force au Tydéide, afin qu'il ne frapp‚t point le second coup, et qu'un des Akhaiens cuirassés ne p˚t se glorifier d'avoir fait la première blessure. Et le robuste Diomèdès, agitant sa lance, parla ainsi :
- Arrête, ou je te frapperai de ma lance, et je ne pense pas que tu évites longtemps de recevoir la dure mort de ma main.
Il parla ainsi et fit partir sa lance qui ne perça point le Troien ; mais la pointe du trait effleura seulement l'épaule droite et s'enfonça en terre. Et Dolôn s'arrêta plein de crainte, épouvanté, tremblant, p‚le, et ses dents claquaient.
Et les deux guerriers, haletants, lui saisirent les mains, et il leur dit en pleurant :
- Prenez-moi vivant. Je me rachèterai. J'ai dans mes demeures de l'or et du fer propre à être travaillé. Pour mon affranchissement, mon père vous en donnera la plus grande part, s'il apprend que je suis vivant sur les nefs des Akhaiens.
Et le subtil Odysseus lui répondit :
- Prends courage, et que la mort ne soit pas présente à ton esprit; mais dis-moi la vérité. Pourquoi viens-tu seul, de ton camp, vers les nefs, par la nuit obscure, quand tous les hommes mortels sont endormis '? Serait-ce pour dépouiller les cadavres parmi les morts, ou Hektôr t'a-t-il envoyé
observer ce qui se passe auprès des nefs creuses, ou viens-tu de ton propre mouvement ?
Et Dolôn, dont les membres tremblaient, leur répondit :
- Hektôr, contre ma volonté, m'a poussé à ma ruine. Ayant promis de me donner les chevaux aux sabots massifs de l'illustre Pèléiôn et son char orné d'airain, il m'a ordonné d'aller et de m'approcher, pendant la nuit obscure et rapide, des guerriers ennemis, et de voir s'ils gardent toujours leurs nefs rapides, ou si, domptés par nos mains, vous délibérez, prêts à
fuir, et ne pouvant même plus veiller, étant rompus de fatigue.
Et le subtil Odysseus, en souriant, lui répondit :
- Certes, tu espérais, dans ton esprit, une grande récompense, en désirant les chevaux du brave Aiakide, car ils ne peuvent être domptés et conduits par des guerriers mortels, sauf par Akhilleus qu'une mère immortelle a enfanté. Mais dis-moi la vérité. O˘ as-tu laissé Hektôr, prince des peuples ? O˘ sont ses armes belliqueuses et ses chevaux ? O˘ sont les sentinelles et les tentes des autres Troiens ? Dis-nous s'ils délibèrent entre eux, soit qu'ils aient dessein de rester o˘ ils sont, loin des nefs, soit qu'ils désirent ne rentrer dans la Ville qu'après avoir dompté les Akhaiens.
Et Dolôn, fils d'Eumèdos, lui répondit :
- Je te dirai toute la vérité. Hektôr, dans le conseil, délibère auprès du tombeau du divin Ilos, loin du bruit. U n'y a point de gardes autour du camp, car tous les Troiens veillent devant leurs feux, pressés par la nécessité et s'excitant les uns les autres ; mais les Alliés, venus de diverses contrées, dorment tous, se fiant à la vigilance des Troiens, et n'ayant avec eux ni leurs enfants, ni leurs femmes.
Et le subtil Odysseus lui dit:
- Sont-ils mêlés aux braves Troiens, ou dorment-ils à l'écart ? Parle clairement, afin que je comprenne.
Et Dolôn, fils d'Eumèdos, lui répondit :
- Je te dirai toute la vérité. Auprès de la mer sont les Kariens, les Paiones aux arcs recourbés, les Léléges, les Kaukônes et les divins Pélasges ; du côté de Thymbrè sont les Lykiens, les Mysiens orgueilleux, les cavaliers Phrygiens et les Maiones qui combattent sur des chars. Mais pourquoi me demandez-vous ces choses ? Si vous désirez entrer dans le camp des Troiens, les Thrèkiens récemment arrivés sont à l'écart, aux extrémités du camp, et leur roi, Rhèsos Eionéide, est avec eux. J'ai vu ses grands et magnifiques chevaux. Ils sont plus blancs que la neige, et semblables aux vents quand ils
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