Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
prisonniers, il s'en sauve ordinairement mille ; ce qui est produit par le petit nombre d'escortes que je peux y mettre. J'ai essayé, pour les escortes, de quatre cents hommes Milanais, ce qui m'a parfaitement réussi ; il faudrait aussi que le duc fût obligé de nous fournir un bataillon de pionniers fort de huit cents hommes, avec les outils.
Éloignés, comme nous sommes de la France, ce sera pour nous un bon secours que l'alliance de ce prince, puisque ses états sont sur le théâtre de la guerre.
Les barbets désolent nos communications : ce ne sont plus des voleurs isolés, ce sont des corps organisés de quatre à cinq cents hommes.
Le général Garnier, à la tête d'une colonne mobile que j'ai organisée, occupe dans ce moment-ci Tende ; il en a arrêté et fait fusiller une douzaine.
L'administration du département du Var s'est refusée à fournir deux cents hommes que j'ai mis en réquisition pour la formation de cette colonne mobile. Le général Willot non-seulement a refusé d'obéir à un ordre que j'ai donné pour le départ du dixième bataillon de l'Ain, mais encore il a retenu la onzième demi-brigade, que le général Châteauneuf-Randon envoyait à l'armée, et un escadron du dix-huitième régiment de dragons. Ce général a cependant huit mille hommes dans sa division, troupes suffisantes pour conquérir le midi de la France, s'il était en révolte.
Je tiens en respect et je fais la police dans un pays ennemi plus étendu que toute sa division, avec huit ou neuf cents hommes. Ce général a des idées trop exagérées, et embrasse trop les différentes opinions des partis qui déchirent la France, pour pouvoir maintenir l'ordre dans le Midi sans une armée puissante.
Le général Willot a servi, au commencement de la révolution, à l'armée d'Italie ; il jouit de la réputation d'un brave homme et d'un bon militaire, mais d'un royaliste enragé. Ne le connaissant pas, et n'ayant pas eu le temps de peser ses opérations, je suis bien loin de confirmer ce jugement ; mais, ce qui me paraît bien avéré, c'est qu'il agit dans le Midi comme dans la Vendée, ce qui est un bon moyen pour la faire naître.
Quand on n'a égard à aucune autorité constituée, que l'on déclare en masse tous les habitans de plusieurs départemens indignes du nom de citoyen, on veut ou se former une armée considérable, ou faire naître la guerre civile : je ne vois pas de parti mitoyen.
Si vous laissez le général Willot à Marseille, il faut lui donner une armée de vingt mille hommes, ou vous attendre aux scènes les plus affligeantes.
Quand une ville est en état de siège, il me semble qu'un militaire devient une espèce de magistrat, et doit se conduire avec la modération et la décence qu'exigent les circonstances, et il ne doit pas être un instrument de factions, un officier d'avant-garde. Je vous soumets toutes ces réflexions, spécialement par la nécessité que j'ai d'avoir des troupes.
Je vous prie aussi d'ôter de dessous mes ordres la huitième division, parce que les principes et la conduite du général Willot ne sont pas ceux qu'il doit avoir dans sa place, et que je me croirais déshonoré de voir, dans un endroit où je commande, se former un ferment de trouble, et de souffrir qu'un général sous mes ordres ne soit qu'un instrument de factions.
Par sa désobéissance et par son insubordination, il est la cause des horreurs qui se commettent dans ce moment dans le département des Alpes-Maritimes. Le convoi des tableaux chefs-d'oeuvre d'Italie a été obligé de rentrer à Coni ; il eût été pris par les barbets. Si le général Willot n'obéit pas sur-le-champ à l'ordre que je lui ai donné de faire partir la quatre-vingt-troisième demi-brigade, mon projet est de le suspendre de ses fonctions. Nice même, dans ce moment-ci, n'est pas en sûreté.
Les barbets tirent leurs forces du régiment provincial de Nice, que le roi de Sardaigne a licencié ; peut-être serait-il utile de faire un corps particulier de tous les habitans des Alpes maritimes qui se sont trouvés engagés dans le régiment provincial et le corps franc au moment de la guerre.
On pourrait, dans ce cas, déclarer qu'ils ne reprendront leurs droits de citoyens qu'après avoir servi deux ans sous les drapeaux de la république.
J'ai écrit au ministre des affaires étrangères et au roi de Sardaigne lui-même des lettres très-fortes. J'espère que tous les jours le nombre de ces brigands sera moins
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