Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
tous pris sans tirer un coup de fusil. L'empereur venait d'envoyer au pape trois mille beaux fusils, que nous avons trouvés dans la forteresse d'Ancône avec près de cent vingt pièces de canon de gros calibre ; une cinquantaine d'officiers que nous avons faits prisonniers ont été renvoyés, avec le serment de ne plus servir le pape.
La ville d'Ancône est le seul port qui existe, depuis Venise, sur l'Adriatique ; il est, sous tous les points de vue, très-essentiel pour notre correspondance de Constantinople : en vingt-quatre heures on va d'ici en Macédoine. Aucun gouvernement n'était aussi méprisé par les peuples mêmes qui lui obéissent, que celui-ci. Au premier sentiment de frayeur que cause l'entrée d'une armée ennemie, a succédé la joie d'être délivré du plus ridicule des gouvernemens.
Le 22, à six heures du soir.
P.S. Nous sommes maîtres de Notre-Dame-de-Lorette.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Ancône, le 23 pluviose an 5 (11 février 1797).
Au directoire exécutif.
Citoyens directeurs,
Je vous ferai passer la capitulation de Mantoue ; nos troupes ont occupé la citadelle le 15 et, aujourd'hui, la ville est entièrement évacuée par les Autrichiens. Je vous enverrai les inventaires de l'artillerie et du génie et la revue de la garnison, dès l'instant qu'ils me seront parvenus. C'est le général Serrurier qui a assiégé la première fois Mantoue ; le général Kilmaine, qui a établi le deuxième blocus, a rendu de grands services ; c'est lui qui a ordonné que l'on fortifiât Saint-George, qui nous a si bien servis depuis. La garnison de Mantoue a mangé cinq mille chevaux, ce qui fait que nous en avons fort peu trouvé. Je vous demande le grade de général de brigade pour le citoyen Chasseloup, commandant du génie de l'armée. Il a assiégé le château de Milan, la ville de Mantoue, et on en était déjà aux batteries de brèche, lorsque j'ordonnai qu'on levât le siège ; il a, dans cette campagne, fait fortifier Peschiera, Legnago et Pizzighitone. Je vous demande le grade de chef de brigade pour les citoyens Samson et Maubert ; ils l'ont mérité, en rendant des services dans plus de quarante combats, et en faisant des reconnaissances dangereuses et utiles. Je vous ai demandé le grade de général de division d'artillerie pour le général Lespinasse. Je vous prie aussi d'employer le général Dommartin dans l'armée d'Italie.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Ancône, le 25 pluviose an 5 (13 février 1797).
À Monsieur le cardinal Mattei.
J'ai reconnu, dans la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire, monsieur le cardinal, cette simplicité de moeurs qui vous caractérise. Vous verrez, par l'imprimé que je vous envoie, les raisons qui m'ont engagé à rompre l'armistice conclu entre la république française et Sa Sainteté.
Personne n'est plus convaincu du désir que la république française avait de faire la paix, que le cardinal Busca, comme il l'avoue dans sa lettre à M. Albani, qui a été imprimée et dont j'ai l'original dans les mains.
On s'est rallié aux ennemis de la France lorsque les premières puissances de l'Europe s'empressaient de reconnaître la république et de désirer la paix avec elle ; on s'est longtemps bercé de vaines chimères et on n'a rien oublié pour consommer la destruction de ce beau pays. Je n'entendrai jamais à aucune proposition qui tendrait à terminer les hostilités entre la république française et Sa Sainteté, qu'au préalable on n'ait ordonné le licenciement des régimens créés après l'armistice ; secondement, que l'on n'ait ôté par notification publique le commandant de l'armée de Sa Sainteté aux officiers-généraux envoyés par l'empereur. Ces clauses remplies, il reste encore à Sa Sainteté un espoir de sauver ses états en prenant plus de confiance dans la générosité de la république française, et en se livrant toute entière et promptement à des négociations pacifiques.
Je sais que Sa Sainteté a été trompée : je veux bien encore prouver à l'Europe entière la modération du directoire exécutif de la république française, en lui accordant cinq jours pour envoyer un négociateur muni de pleins pouvoirs, qui se rendra à Foligno, où je me trouverai et où je désire de pouvoir contribuer en mon particulier à donner une preuve éclatante de la considération que j'ai pour le Saint-Siège.
Quelque chose qu'il arrive, monsieur le cardinal, je vous prie d'être
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