Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
la cour de Toscane. Les moindres de mes paroles et de celles de vos commissaires sont épiées et rapprochées avec une grande importance ; mais l'on croit toujours être ici dans les couloirs de la convention.
BONAPARTE.
Au directoire exécutif.
Le citoyen Comeyras, ministre de la république près les Grisons, s'est rendu ces jours derniers au quartier-général : il aurait désiré qu'en conséquence des capitulats qui existaient entre l'archiduc de Milan et les ligues grises, j'eusse fait fournir du blé à ces dernières. Nous avons même eu une petite discussion, parce qu'il prétendait que vous aviez ordonné cette fourniture ; mais, par la lecture de la lettre que le ministre Lacroix m'a écrite, il a été convaincu que ce n'était qu'une simple autorisation pour le faire si je le jugeais convenable. Je lui ai dès-lors fait observer qu'il m'était impossible de fournir la quantité de blé qu'il désirait, à moins que les ligues ne demandassent l'exécution de cet article des capitulats ; ce qui nous mettrait en droit d'exiger le passage qui est accordé à l'archiduc de Milan, en indemnisation de ladite fourniture.
Nous avons arrêté en conséquence qu'arrivé à Coire, il écrirait aux chefs des ligues qu'il avait éprouvé quelques obstacles à obtenir l'exécution de l'ordre du directoire pour la fourniture des blés, qui ne pouvait avoir lieu qu'en me faisant connaître officiellement les capitulats. Le commissaire Comeyras m'a demandé de l'argent pour payer les pensions des Grisons ; il croit qu'avec 60,000 francs notre parti dans ce pays serait considérablement accru.
Si les circonstances de la guerre nous conduisaient dans le pays des Grisons, ou si nous avions besoin d'y avoir une force pour s'opposer aux incursions des ennemis, y aurait-il de l'inconvénient à faire un corps de tous les Suisses qui ont été au service de France et qui sont pensionnés : ce qui formerait un corps d'élite de 800 hommes, connaissant parfaitement les chemins, et qui nous seraient d'un grand secours ?
BONAPARTE.
Au directoire exécutif.
Messieurs du sénat de Venise voulaient nous faire comme ils firent à Charles VIII. Ils calculaient que comme lui nous nous enfoncerions dans le fond de l'Italie, et nous attendaient probablement au retour.
Je me suis sur-le-champ emparé de la citadelle de Vérone, que j'ai armée avec leurs canons, et en même temps j'ai envoyé un courrier au citoyen Lallement, notre ministre à Venise, pour lui dire d'enjoindre au sénat de cesser ses armemens. Vous avez vu les notes que je vous ai envoyées là-dessus par mon dernier courrier, déjà l'armement a discontinué.
La république de Venise nous a déjà fourni 3,000,000 pour la nourriture de l'armée ; ce n'est pas elle qui fournit, mais un entrepreneur qu'elle paye secrètement. J'en étais ainsi convenu avec le provéditeur-général, en convenant cependant qu'un jour la république française paierait.
Cet entrepreneur est venu plusieurs fois me trouver pour avoir de l'argent : je l'ai renvoyé avec des promesses, et ordre positif de continuer à fournir : il a été trouver les commissaires du gouvernement, qui lui ont donné une lettre de change de 300,000 liv. à prendre sur les contributions du pape.
De toutes les mesures, c'était la plus mauvaise ; aussi aujourd'hui ne veut-on plus fournir. Par cette lettre de change de 300,000 liv., payables dans un temps où l'on sait qu'il nous revient 21,000,000, on a ôté tout espoir d'être payé, et en même temps l'on a laissé sentir que, par l'importunité et en laissant manquer le service, l'on tirerait de nous de l'argent ; de sorte qu'aujourd'hui je suis obligé de me fâcher contre le provéditeur, d'exagérer les assassinats qui se commettent contre nos troupes, de me plaindre amèrement de l'armement qu'on n'a pas fait du temps que les Impériaux étaient les plus forts, et, par là, je les obligerai à nous fournir, pour m'apaiser, tout ce qu'on voudra. Voilà comme il faut traiter avec ces gens-ci ; ils continueront à me fournir, moitié gré, moitié force, jusqu'à la prise de Mantoue, et alors je leur déclarerai ouvertement qu'il faut qu'ils me payent la contribution portée dans votre instruction, ce qui sera facilement exécuté. Je crois qu'il serait utile que vous témoignassiez à M. Quirini votre étonnement de l'armement des Vénitiens, qui était, sans aucun doute, dirigé contre nous. Il n'y a pas de gouvernement plus traître et plus
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