Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
brigade Pouraillier d'aller soumettre Lugo. Cet officier, à la tête d'un bataillon, arriva devant cette bourgade, où le tocsin sonnait depuis plusieurs heures ; il y trouva quelques milliers de paysans. Un officier de grenadiers se porta en avant en parlementaire : on lui fit signe d'avancer, et, un instant après, il fut assailli d'une grêle de coups de fusil. Ces misérables, aussi lâches que traîtres, se sauvèrent : quelques centaines sont restées sur la place.
Depuis cet événement, qui a eu lieu le 18, tout est rentré dans l'ordre et est parfaitement tranquille.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (31 juillet 1796).
Au directoire exécutif.
J'ai à vous parler, citoyens directeurs, de notre position militaire, administrative et politique à Livourne.
Les batteries contre la mer sont en bon état ; nous avons réparé une citadelle où la garnison peut se mettre à l'abri contre une insurrection. Nous y avons deux mille huit cents hommes de garnison de très-bonnes troupes, deux compagnies d'artillerie, et un bon officier de génie. Si l'armée était obligée d'abandonner le nord de l'Italie, cette garnison se retirerait par Massa et la rivière de Gênes. Le général Vaubois, qui y commande, est un homme sage, ferme, et bon militaire.
Lors de notre entrée à Livourne, j'ai chargé le citoyen Belleville, consul de la république dans cette place, de mettre les scellés sur tous les magasins appartenans aux Anglais, Portugais, Russes, et à toutes les autres puissances avec qui nous sommes en guerre, ainsi qu'aux négocians de ces différentes nations. Je préviens le citoyen Belleville qu'il serait personnellement responsable des dilapidations qui pourraient avoir lieu. Cet homme est généralement estimé par sa probité. Après mon départ, une nuée d'agioteurs génois sont venus pour s'emparer de toutes ces richesses. Toutes les mesures que j'avais prises ont été dérangées, et l'on a substitué à un seul responsable, des commissions, où tout le monde dilapide en amusant son voisin. Vous trouverez ci-joint l'extrait de deux lettres du général Vaubois : on se conduit d'une manière dure envers les négocians livournais, on les traite avec plus de rigueur que vous n'avez intention que l'on se conduise envers les négocians anglais mêmes : cela alarme le commerce de toute l'Italie, et nous fait passer à ses yeux pour des Vandales, et cela a entièrement indisposé les négocians de la ville de Gênes ; la masse du peuple de cette ville, qui nous a toujours été favorable, est actuellement très-prononcée contre nous.
Si notre conduite administrative à Livourne est détestable, notre conduite politique envers la Toscane n'est pas meilleure. Je me suis toujours gardé de faire aucune espèce de proclamation, et j'ai expressément ordonné qu'on ne fît en apparence aucun acte de gouvernement. La proclamation qui a été publiée vous prouvera combien l'on fait peu de cas de ma manière de voir et des ordres que j'ai donnés. La mesure de chasser les émigrés de Livourne et de vingt lieues à la ronde, par une proclamation, est aussi inutile qu'impolitique. Il y a très-peu d'émigrés dans Livourne, le grand-duc même a donné des ordres pour les chasser. Il était bien plus simple d'en faire arrêter trois ou quatre par les autorités même du pays : alors le peu qui reste se serait bientôt sauvé. Cette proclamation, où l'on s'attribue une juridiction sur vingt lieues de pays, est d'un très-mauvais effet, à moins que (ce qui est extrêmement contraire à vos instructions), nous ne voulions prendre le ton et la politique de l'ancienne Rome.
Les Anglais se sont emparés de Porto-Ferrajo. Maîtres de la mer comme ils le sont, il était difficile de s'opposer à cette entreprise. Quand nous serons maîtres de la Corse, ce qui ne doit pas tarder, il nous deviendra possible de les chasser de cette île. Je vous envoie copie de la lettre que m'a écrite le grand-duc de Toscane, de celle de notre ministre à Florence, et la copie de la réponse.
Dans la position actuelle de l'Italie, il ne faut nous faire aucun nouvel ennemi, et attendre la décision de la campagne pour prendre un parti conforme aux vrais intérêts de la république. Vous sentirez sans doute alors qu'il ne nous convient pas de laisser le duché de Toscane au frère de l'empereur.
Je désirerais que jusqu'alors l'on ne se permît aucune menace, ni aucun propos à Livourne, contre
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