Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
pour leur donner de bons curés ; acquérez des titres à l'amour de vos concitoyens et à l'estime de l'Europe, qui vous fixe, et croyez qu'en tout temps je vous appuierai et prendrai un vif intérêt à tout ce qui vous concerne.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Passeriano, le 16 vendémiaire an 6 (7 octobre 1797).
Au ministre des relations extérieures.
Je vous envoie, citoyen ministre, le projet confidentiel que m'a remis M. le comte de Cobentzel ; je lui ai témoigné toute l'indignation que vous sentirez en le lisant. Je lui répondrai par la note ci-jointe. Sous trois ou quatre jours, tout sera terminé, la paix ou la guerre, Je vous avoue que je ferai tout pour la paix, vu la saison très-avancée et le peu d'espérance de faire de grandes choses.
Vous connaissez peu ces peuples-ci ; ils ne méritent pas que l'on fasse tuer 40,000 Français pour eux.
Je vois par vos lettres que vous partez toujours d'une fausse hypothèse : vous vous imaginez que la liberté fait faire de grandes choses à un peuple mou, superstitieux, pantalon et lâche.
Ce que vous désireriez que je fisse sont des miracles : je n'en sais pas faire.
Je n'ai pas à mon armée un seul Italien, excepté 1500 polissons ramassés dans les rues des différentes villes de l'Italie, qui pillent et ne sont bons à rien,
Ne vous laissez pas inspirer par quelque aventurier italien, peut-être par quelque ministre même, qui vous diront qu'il y a 80,000 hommes italiens sous les armes ; car, depuis quelque temps, je n'aperçois pas les journaux, et ce qui me revient de l'opinion publique en France s'égare étrangement sur les Italiens.
Un peu d'adresse, un ascendant que j'ai pris, des exemples sévères, donnent seuls à ces peuples un grand respect pour la nation, et un intérêt, quoique extrêmement faible, pour la cause que nous défendons.
Je désire que vous appeliez chez vous les différents ministres cisalpins qui se trouvent à Paris, que vous leur demandiez d'un ton sévère ...., qu'ils vous déclarent sur-le-champ, par écrit, le nombre de troupes qu'a la république cisalpine à l'armée ; et, s'ils vous disent que j'ai plus de 1500 hommes cisalpins et à peu près 2000 à Milan, employés à la police de leur pays, ils vous en imposeront, et réprimandez-les comme ils le méritent ; car telle chose est bonne à dire dans un café ou dans un discours, mais non au gouvernement, puisque ces fausses idées peuvent le mettre dans le cas de prendre un parti différent de celui qui convient, et produire des malheurs incalculables.
J'ai l'honneur de vous le répéter, peu à peu le peuple de la république cisalpine s'enthousiasmera pour la liberté, peu à peu cette république s'organisera, et peut-être dans quatre ou cinq ans pourra-t-elle avoir 30,000 hommes de troupes passables, surtout s'ils prennent quelques Suisses ; car il faudrait être un législateur habile pour leur faire venir le goût des armes : c'est une nation bien énervée et bien lâche.
Si les négociations ne prennent pas une bonne tournure, la France se repentirait à jamais du parti qu'elle a pris avec le roi de Sardaigne. Ce prince, avec un de ses bataillons et un de ses escadrons de cavalerie, est plus fort que toute la Cisalpine réunie. Si je n'ai jamais écrit au gouvernement avec cette précision, c'est que je ne pensais pas qu'on pût se former des Italiens l'idée que je vois, par vos dernières lettres, que vous en avez. J'emploie tout mon talent à les échauffer et à les aguerrir, et je ne réussis tout juste qu'à contenir et à disposer ces peuples dans de bonnes intentions.
Je n'ai point eu, depuis que je suis en Italie, pour auxiliaire, l'amour des peuples pour la liberté et l'égalité, ou du moins cela a été un auxiliaire très-faible ; mais la bonne discipline de l'armée, le grand respect que nous avons tous eu pour la république, que nous avons porté jusqu'à la cajolerie pour les ministres de la justice, surtout une grande activité et une grande promptitude à réprimer les malintentionnés et à punir ceux qui se déclaraient contre nous, tel a été le véritable auxiliaire de l'armée d'Italie : voilà l'historique.
Tout ce qui n'est bon qu'à dire dans des proclamations, des discours imprimés, sont des romans.
Comme j'espère que les négociations iront bien, je n'entrerai pas dans de plus grands détails pour vous déclarer beaucoup de choses qu'il me paraît qu'on saisit mal. Ce n'est qu'avec de la prudence, de la
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