Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
depuis plusieurs siècles, soit par sa situation géographique et topographique, soit par les différentes langues, les différentes religions et cette extrême différence de moeurs qui existent entre ses diverses parties. La nature a fait votre état fédératif ; vouloir le vaincre, ne peut pas être d'un homme sage.
Les circonstances, l'esprit des siècles passés, avaient établi chez vous des peuples souverains et des peuples sujets. De nouvelles circonstances et l'esprit différent d'un nouveau siècle, d'accord avec la justice et la raison, ont rétabli l'égalité de droits entre toutes les portions de votre territoire. Plusieurs de vos états ont suivi pendant des siècles ces lois de la démocratie la plus absolue ; d'autres ont vu quatre-vingt dix-neuf familles s'emparer du pouvoir, et vous avez eu dans ceux-ci des sujets et des souverains. L'influence et l'esprit général de l'Italie, de la Savoie, de la France, de l'Alsace, qui vous entourent, avaient essentiellement contribué à établir, dans ces derniers temps, cet état de choses. L'esprit de ces divers pays est changé.
La renonciation à tous les privilèges est à la fois la volonté et l'intérêt de votre peuple.
Ce qui est en même temps le désir, l'intérêt de votre nation et des vastes états qui vous environnent est donc :
1°. L'égalité des droits entre vos dix-huit cantons ;
2°. Une renonciation sincère et volontaire aux privilèges, de la part des familles patriciennes ;
3°. Une organisation fédérative où chaque canton se trouve organisé selon sa langue, sa religion, ses moeurs, son intérêt, son opinion.
La chose la plus importante, c'est de fixer l'organisation de chacun des dix-huit cantons, en la soumettant aux principes généraux.
L'organisation des dix-huit cantons une fois arrêtée, il restera à déterminer les relations qu'ils devront avoir entre eux, et dès lors votre organisation centrale, beaucoup moins importante en réalité que votre organisation cantonale. Finances, armée, administration, rien ne peut être uniforme chez vous. Vous n'avez jamais entretenu de troupes soldées ; vous ne pouvez avoir de grandes finances ; vous n'avez jamais eu constamment des agens diplomatiques auprès des différentes puissances. Situés au sommet des montagnes qui séparent la France, l'Allemagne et l'Italie, vous participez à la fois de l'esprit de ces différentes nations. La neutralité de votre pays, la prospérité de votre commerce et une administration de famille, sont les seules choses qui puissent agréer à voire peuple et vous maintenir.
Ce langage, je l'ai toujours tenu à vos députés, lorsqu'ils m'ont consulté sur leurs affaires. Il me paraissait tellement fondé en raison, que j'espérais que, sans concours extraordinaire, la nature seule des choses vous conduirait à reconnaître ce système. Mais les hommes qui semblaient le mieux sentir étaient aussi ceux qui, par intérêt, tenaient le plus au système de privilège et de famille, et qui, ayant accompagné de leurs voeux, et, plusieurs, de leurs secours et de leurs armes, les ennemis de la France, avaient une tendance à chercher hors de la France l'appui de leur patrie.
Toute organisation qui eût été établie chez vous, et qui eût été contraire à l'intérêt de la France, ne pouvait pas être dans votre véritable intérêt.
Après vous avoir tenu le langage qu'il conviendrait à un citoyen suisse, je vais vous parler comme magistrat de deux grands pays, et ne pas vous déguiser que jamais la France et la république italienne ne pourront souffrir qu'il s'établisse chez vous un système de nature à favoriser leurs ennemis.
Le repos et la tranquillité de quarante millions d'habitans, vos voisins, sans qui vous ne pourriez ni vivre comme individus, ni exister comme état, sont pour beaucoup dans la balance de la justice générale. Que rien à leur égard ne soit hostile chez vous ; que tout y soit en harmonie avec eux, et que, comme dans les siècles passés, votre premier intérêt, votre première politique, votre premier devoir, soient de ne rien permettre, de ne rien laisser faire, sur votre territoire, qui, directement ou indirectement, nuise anx intérêts, à l'honneur et en général aux intérêts du peuple français.
Et, si votre intérêt, la nécessité de faire finir vos querelles, n'avaient pas été suffisans pour me déterminer à intervenir dans vos affaires, l'intérêt de la France et de l'Italie m'en eût lui
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