Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
système voulez-vous parler ? est-ce de ce système de puissance, de domination et d'accroissement dont vos ministres et vos orateurs ministériels ne cessent d'accuser la France, pour masquer aux autres nations la puissance colossale, l'insatiable ambition et l'accroissement perpétuel de l'Angleterre ? Entendez-vous parler de l'énergie, de l'ambition et de la vaste politique du premier consul, que vos journalistes et vos diplomates ne cessent de calomnier auprès des autres gouvernemens.
Que vos libellistes périodiques, oratoires ou diplomatiques dépriment tant qu'ils voudront une vie aussi glorieuse et un gouvernement aussi énergique ; que, dans leur style injuste et contumélieux, ils appellent la dignité qu'il imprime au peuple français, orgueil ; sa suite imperturbable dans le bien, opiniâtreté ; son énergie profonde d'exécution, dureté ; son désir prononcé de ne jamais laisser outrager la nation française, arrogance ; ses vues pour la défense et la sûreté du midi de l'Europe, ambition : de pareilles censures ne prouveront jamais que le génie ne soit le génie ; que vouloir la paix par tant de sacrifices ne soit l'amour inaltérable de l'humanité ; que résister aux invasions et aux perfidies de l'Angleterre ne soit défendre son pays et maintenir l'Europe ; mais elles prouveront seulement que les vues conciliatrices et paisibles de Bonaparte ont été également méconnues et calomniées dans le palais de Windsor et dans les salles de Westminster. Je m'arrête : il ne s'agit ici ni d'homme ni de quelques éloges, il s'agit de la paix du monde.
Mais à quel tribunal doivent se porter de telles questions ? c'est à celui de l'Europe entière et de la postérité, que la république française citera l'Angleterre. Quelle importante cause que celle où les bienfaits de la paix et les calamités de la guerre sont mis en balance, où la violation des traités et des droits des peuples est mise en question par quelques passions honteuses ; où l'on voit deux grands gouvernemens pour parties et le monde entier pour tribunal ! De quel côté est donc l'esprit d'ambition, d'agrandissement, d'agression et de prééminence universelle ?
La France possédait par ses armes toutes les contrées, depuis la mer du Nord jusqu'à la mer Adriatique, et depuis le Danube jusqu'au canal de Messine. Qu'a-t-elle fait pour la paix générale ?
Elle rend la Batavie à elle-même ; elle restitue à la Suisse son indépendance avec ses anciennes constitutions ; elle cède le pays vénitien à l'Autriche ; des indemnités territoriales sont accordées aux électeurs du corps germanique ; les îles vénitiennes régularisent la forme de leur gouvernement sous l'influence de la Russie et de la Porte ; l'Italie voit s'établir les républiques lucquoise, italienne et ligurienne ; les troupes françaises évacuent les états du pape et le royaume de Naples ; l'Etrurie reçoit un roi ; les troupes françaises, presque aux portes de Vienne, rentrent sur la rive gauche du Rhin ; le Portugal est évacué et rendu à son indépendance. Ah ! si la France avait eu des projets ambitieux et des vues d'agrandissement, n'aurait-elle pas conservé l'Italie toute entière sous son influence directe ? n'aurait-elle pas étendu sa domination sur la Batavie, la Suisse et le Portugal ? Au lieu de cet agrandissement facile, elle présente une sage limitation de son territoire et de sa puissance : elle subit la perte de l'immense territoire de Saint-Domingue, ainsi que des trésors et des armées destinés à la restauration de cette colonie... Elle fait tous les sacrifices pour obtenir la continuation de la paix.
L'Angleterre, au contraire, s'empare entièrement de l'île opulente de Ceylan et de toute la navigation du golfe du Bengale ; elle acquiert l'importante possession de la Trinité ; elle essaie, par un traité secret, avec les Mameloucks, d'envahir l'Egypte, en leur fournissant des armes et des munitions ; elle ne quitte Alexandrie que long-temps après l'expiration des délais convenus, et parce que les ravages de la peste l'épouvantent. Elle viole le traité d'Amiens pour garder Malte, pour éloigner les corsaires barbaresques, pour faire le commerce exclusif de l'Adriatique, du Levant, des Dardanelles, et de la mer Noire, et pour défendre à toutes les nations la navigation de la Méditerranée ; elle réunit tous ses efforts pour faire perdre Saint-Domingue à la France [Selon le duc de
Weitere Kostenlose Bücher