Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
premier régiment de chasseurs et la division de dragons du général Beaumont l'ont culbutée, et se sont jetés avec l'infanterie ennemie dans le défilé. La fusillade a été assez vive, mais l'obscurité de la nuit a sauvé cette division ennemie ; une partie s'est éparpillée dans le bois, il n'a été fait que cinq cents prisonniers. L'avant-garde du prince Murat a pris position à Haag. Le colonel Montbrun, du premier de chasseurs, s'est couvert de gloire. Le huitième régiment de dragons a soutenu sa vieille réputation. Un maréchal-de-logis de ce régiment ayant eu le poignet emporté, dit devant le prince au moment où il passait : «Je regrette ma main, parce qu'elle ne pourra plus servir à notre brave empereur.» L'empereur, en apprenant ce trait, a dit : «Je reconnais bien là les sentimens du huitième ; qu'on donne à ce maréchal-de-logis une place avantageuse, et selon son état, dans le palais de Versailles.»
Les habitans de Braunau, selon l'usage, avaient porté dans leurs maisons une grande partie des magasins de la place. Une proclamation a tout fait rapporter. Il y a à présent un millier de sacs de farine, une grande quantité d'avoine, des magasins d'artillerie de toute espèce, une très-belle manutention, soixante mille rations de pain, dont nous avions grand besoin ; une partie a été distribuée au corps du maréchal Soult.
Le maréchal Bernadette est arrivé à Salzbourg ; l'ennemi s'est retiré sur la route de Carinthie et de Wels, Un régiment d'infanterie voulait tenir au village de Hallein ; il a dû se retirer sur le village de Colling, où le maréchal espérait que Le général Kellerman parviendrait à lui couper la retraite et à l'enlever.
Les habitans assurent que, dans son inquiétude, l'empereur d'Allemagne s'est porté jusqu'à Wels, où il avait appris le désastre de son armée.
Il y avait appris aussi les clameurs de ses peuples de Bohême et de Hongrie contre les Russes qui pillent et violent d'une manière si effrénée qu'on désirait l'arrivée des Français pour les délivrer de ces singuliers alliés.
Le maréchal Davoust, avec son corps d'armée, a pris position entre Ried et Haag. Tous les autres corps d'armée sont en grand mouvement ; mais le temps est affreux ; il est tombé un demi-pied de neige, ce qui a rendu les chemins détestables.
Le ministre secrétaire-d'état Maret a joint l'empereur à Braunau.
L'électeur de Bavière est de retour à Munich ; il a été reçu avec le plus grand enthousiasme par le peuple de sa capitale. Plusieurs malles de Vienne ont été interceptées. Les lettres les plus récentes étaient du 18 octobre. On commençait à y donner des nouvelles de l'affaire de Wertingen ; elles y avaient répandu la consternation. Les vivres y étaient d'une cherté à laquelle on ne pouvait atteindre, la famine menaçait Vienne. Cependant la récolte a été abondante ; mais la dépréciation du papier-monnaie et des assignats qui perdent plus de quarante pour cent, avaient porté tout au plus haut prix. Le sentiment de la chute du papier-monnaie autrichien était dans tous les esprits.
Le cultivateur ne voulait plus-échanger les denrées contre un papier de nulle valeur. 11 n'est pas un homme en Allemagne qui ne considère les Anglais comme les auteurs de la guerre, et les empereurs François et Alexandre comme les victimes de leurs intrigues. Il n'est personne qui ne dise : Il n'y aura pas de paix tant que les oligarques gouverneront l'Angleterre, et les oligarques gouverneront tant que Georges respirera.
Aussi le règne du prince de Galles est-il désiré comme le terme de celui des oligarques qui, dans tous les pays, sont égoïstes et insensibles au malheur du monde.
L'empereur Alexandre était attendu à Vienne ; mais il a pris un autre parti. On assure qu'il s'est rendu à Berlin.
Rieil, le 11 brumaire an 14 (2 novembre 1805).
Seizième bulletin de la grande armée.
Le prince Murât a continué sa marche en poursuivant l'ennemi l'épée dans les reins, et est arrivé le 9 en avant de Lambach. Les généraux autrichiens voyant que leurs troupes ne pouvaient plus tenir, ont fait avancer huit bataillons russes pour protéger leur retraite. Le dix-septième régiment d'infanterie de ligne, le premier de chasseurs et le huitième de dragons chargèrent les Russes avec impétuosité, et, après une vive fusillade, les mirent en désordre et les menèrent jusqu'à Lambach, On a fait cinq cents prisonniers, parmi
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