Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
cuirassiers de la division Espagne, la division de dragons Latour-Maubourg et les brigades de cavalerie légère, entreprirent différentes charges et gagnèrent du terrain. A deux heures le corps du maréchal Soult se trouva formé ; deux divisions marchèrent sur la droite, tandis que la division Legrand marchait sur la gauche pour s'emparer de la pointe d'un bois dont l'occupation était nécessaire, afin d'appuyer la gauche de la cavalerie. Toute l'armée russe se trouvait alors à Heilsberg ; elle alimenta ses colonnes d'infanterie et de cavalerie, et fit de nombreux efforts pour se maintenir dans ses positions en avant de cette ville. Plusieurs divisions russes furent mises en déroute, et à neuf heures du soir, on se trouva sous les retranchemens ennemis.
Les fusiliers de la garde, commandés par le général Savary, furent mis en mouvement pour soutenir la division St.-Hilaire, et firent des prodiges.
La division Verdier, du corps d'infanterie de réserve du maréchal Lannes, s'engagea, la nuit étant déjà tombée, et déborda l'ennemi, afin de lui couper le chemin de Lansberg ; elle y réussit parfaitement. L'ardeur des troupes était telle, que plusieurs compagnies d'infanterie furent insulter les ouvrages retranchés des Russes. Quelques braves trouvèrent la mort dans les fossés des redoutes et au pied des palissades.
L'empereur passa la journée du 11 sur le champ de bataille ; il y plaça les corps d'armée et les divisions pour donner une bataille qui fût décisive, et telle qu'elle pût mettre fin à la guerre. Toute l'armée russe était réunie ; elle avait à Heilsberg tous ses magasins ; elle occupait une superbe position que la nature avait rendue très-forte, et que l'ennemi avait encore fortifiée par un travail de quatre mois.
A quatre heures après-midi, l'empereur ordonna au maréchal Davoust de faire un changement de front par son extrémité de droite, la gauche en avant ; ce mouvement le porta sur la basse Alle, et intercepta complètement le chemin d'Eylau. Chaque corps d'armée avait ses postes assignés ; ils étaient tous réunis, hormis le premier corps, qui continuait à manoeuvrer sur la basse Passarge. Ainsi les Russes, qui avaient les premiers recommencé les hostilités, se trouvaient comme bloqués dans leur camp retranché ; on venait leur présenter la bataille dans la position qu'ils avaient eux-mêmes choisie.
On crut long-temps qu'ils attaqueraient dans la journée du 11.
Au moment où l'armée française faisait ses dispositions, ils se laissaient voir rangés en colonnes au milieu de leurs retranchemens, farcis de canons.
Mais soit que ces retranchemens ne leur parussent pas assez formidables, à l'aspect des préparatifs qu'ils voyaient faire devant eux, soit que cette impétuosité qu'avait montrée l'armée française dans la journée du 10 leur en imposât, ils commencèrent, à dix heures du soir, à passer sur la rive droite de l'Alle, en abandonnant tous les pays de la gauche, et laissant à la disposition du vainqueur leurs blessés, leurs magasins et ces retranchemens, fruit d'un travail si long et si pénible. Le 12, à la pointe du jour, tous les corps d'armée s'ébranlèrent, et prirent différentes directions.
Les maisons d'Heilsberg et celles des villages voisins sont remplies de blessés russes.
Le résultat de ces différentes journées, depuis le 5 jusqu'au 12, a été de priver l'armée russe d'environ trente mille combattans ; elle a laissé dans nos mains trois ou quatre mille hommes, sept ou huit drapeaux et neuf pièces de canon. Au dire des paysans et des prisonniers, plusieurs des généraux russes les plus marquans ont été tués ou blessés.
Notre perte monte à six ou sept cents hommes tués, deux mille ou deux mille deux cents blessés, deux ou trois cents prisonniers. Le général de division Espagne a été blessé ; le général Roussel, chef de l'état-major de la garde, qui se trouvait au milieu des fusiliers, a eu la tête emportée par un boulet de canon ; c'était un officier très-distingué.
Le grand-duc de Berg a eu deux chevaux tués sous lui. M. de Ségur, un de ses aides-de-camp, a eu un bras emporté. M. Lameth, aide-de-camp du maréchal Soult, a été blessé. M. Lagrange, colonel du septième régiment de chasseurs à cheval, a été atteint par une balle.
Dans les rapports détaillés que rédigera l'état-major, on fera connaître les traits de bravoure par lesquels se sont signalés un grand nombre
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