Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
des libelles publiés contre les gouvernemens étrangers ; il oublie qu'ils furent rédigés dans son sein.
Si long-temps que la fortune s'est montrée fidèle à leur souverain, ces hommes sont restés fidèles, et nulle plainte n'a été entendue sur les abus du pouvoir. Si l'empereur avait méprisé les hommes, comme on le lui a reproché, alors le monde reconnaîtrait aujourd'hui qu'il a eu des raisons qui motivaient son mépris. Il tenait sa dignité de Dieu et de la nation ; eux seuls pouvaient l'en priver : il l'a toujours considérée comme un fardeau, et lorsqu'il l'accepta, c'était dans la conviction que lui seul était à même de la porter dignement. Son bonheur paraissait être sa destination : aujourd'hui, que la fortune s'est décidée contre lui, la volonté de la nation seule pourrait le persuader de rester plus long-temps sur le trône. S'il se doit considérer comme le seul obstacle à la paix, il fait ce dernier sacrifice à la France : il a, en conséquence, envoyé le prince de la Moskwa et les ducs de Vicence et de Tarente à Paris, pour entamer les négociations. L'armée peut être certaine que son bonheur ne sera jamais en contradiction avec le bonheur de la France.
Au palais de Fontainebleau, le 11 avril 1814.
Acte d'abdication de l'empereur Napoléon.
Les puissances alliées ayant proclamé que l'empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l'empereur Napoléon, fidèle à son serment, déclare qu'il renonce, pour lui et ses héritiers, aux trônes de France et d'Italie, et qu'il n'est aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire à l'intérêt de la France.
Dernière allocution de Napoléon à sa garde.
«Généraux, officiers, sous-officiers et soldats de ma vieille garde, je vous fais mes adieux : depuis vingt ans, je suis content de vous ; je vous ai toujours trouvés sur le chemin de la gloire.
«Les puissances alliées ont armé toute l'Europe contre moi ; une partie de l'armée a trahi ses devoirs, et la France elle-même a voulu d'autres destinées.
«Avec vous et les braves qui me sont restés fidèles, j'aurais pu entretenir la guerre civile pendant trois ans ; mais la France eût été malheureuse, ce qui était contraire au but que je me suis proposé.
«Soyez fidèles au nouveau roi que la France s'est choisi ; n'abandonnez pas notre chère patrie, trop long-temps malheureuse ! Aimez-la toujours, aimez-la bien cette chère patrie.
«Ne plaignez pas mon sort ; je serai toujours heureux, lorsque je saurai que vous l'êtes.
«J'aurais pu mourir ; rien ne m'eût été plus facile ; mais je suivrai sans cesse le chemin de l'honneur. J'ai encore à écrire ce que nous avons fait.
«Je ne puis vous embrasser tous ; mais j'embrasserai votre général... Venez, général...
(Il serre le général Petit dans ses bras.) Qu'on m'apporte l'aigle... (Il la baise.) Chère aigle ! que ces baisers retentissent dans le coeur de tous les braves !... Adieu, mes enfans !... Mes voeux vous accompagneront toujours ; conservez mon souvenir...»
LIVRE DIXIÈME.
1815.
Au golfe Juan, le 1er mars 1815.
PROCLAMATION.
Au peuple français.
Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l'État, empereur des Français, etc., etc., etc.
«Français, la défection du duc de Castiglione livra Lyon sans défense à nos ennemis, l'armée dont je lui avais confié le commandement était, par le nombre de ses bataillons, la bravoure et le patriotisme des troupes qui la composaient, à même de battre le corps d'armée autrichien qui lui était opposé, et d'arriver sur les derrières du flanc gauche de l'armée ennemie qui menaçait Paris.
Les victoires de Champ-Aubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamp, de Mormans, de Montereau, de Craone, de Reims, d'Arcis-sur-Aube et de Saint-Dizier ; l'insurrection des braves paysans de la Lorraine, de la Champagne, de l'Alsace, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les derrières de l'armée ennemie, en la séparant de ses magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une situation désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissans, et l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressource ; elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du duc de Raguse
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