Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
Dwina, et se porta à sa rencontre pour, sa jonction opérée avec lui, battre Wittgenstein et lui faire repasser la Dwina.
Le maréchal Gouvion-Saint-Cyr fait le plus grand éloge de ses troupes. La division suisse s'est fait remarquer par son sang-froid et sa bravoure. Le colonel Guéhéneuc, du vingt-sixième régiment d'infanterie légère a été blessé. Le maréchal Saint-Cyr a eu une balle au pied. Le maréchal duc de Reggio est venu le remplacer, et a repris le commandement du deuxième corps.
La santé de l'empereur n'a jamais été meilleure.
Molodetschino, le 3 décembre 1812.
Vingt-neuvième bulletin de la grande armée.
Jusqu'au 6 novembre, le temps a été parfait, et le mouvement de l'armée s'est exécuté avec le plus grand succès. Le froid a commencé le 9 ; dès ce moment, chaque nuit nous avons perdu plusieurs centaines de chevaux, qui mouraient au bivouac. Arrivés à Smolensk, nous avions déjà perdu bien des chevaux de cavalerie et d'artillerie.
L'armée russe de Volhynie était opposée à notre droite. Notre droite quitta la ligne d'opération de Minsk, et prit pour pivot de ses opérations la ligne de Varsovie. L'empereur apprit à Smolensk, le 9, ce changement de ligne d'opérations, et présuma ce que ferait l'ennemi. Quelque dur qu'il lui parût de se mettre en mouvement dans une si cruelle saison, le nouvel état des choses le nécessitait ; il espérait arriver à Minsk, ou du moins sur la Bérésina, avant l'ennemi ; il partit le 13 de Smolensk ; le 16, il coucha à Krasnoi. Le froid, qui avait commencé le 7, s'accrut subitement, et, du 14 au 15 et au 16, le thermomètre marqua seize et dix-huit degrés au-dessous de glace. Les chemins furent couverts de verglas ; les chevaux de cavalerie, d'artillerie, de train périssaient toutes les nuits, non par centaines, mais par milliers, surtout les chevaux de France et d'Allemagne : plus de trente mille chevaux périrent en peu de jours ; notre cavalerie se trouva toute à pied ; notre artillerie et nos transports se trouvaient sans attelage. Il fallut abandonner et détruire une bonne partie de nos pièces et de nos munitions de guerre et de bouche.
Cette armée, si belle le 6, était bien différente dès le 14, presque sans cavalerie, sans artillerie, sans transports.
Sans cavalerie, nous ne pouvions pas nous éclairer à un quart de lieue ; cependant, sans artillerie, nous ne pouvions pas risquer une bataille et attendre de pied ferme ; il fallait marcher pour ne pas être contraint à une bataille, que le défaut de munitions nous empêchait de désirer ; il fallait occuper un certain espace pour ne pas être tournés, et cela sans cavalerie qui éclairât et liât les colonnes. Cette difficulté, jointe à un froid excessif subitement venu, rendit notre situation fâcheuse. Les hommes que la nature n'a pas trempés assez fortement pour être au-dessus de toutes les chances du sort et de la fortune, parurent ébranlés, perdirent leur gaîté, leur bonne humeur, et ne révèrent que malheurs et catastrophes ; ceux qu'elle a créés supérieurs à tout, conservèrent leur gaîté, leurs manières ordinaires, et virent une nouvelle gloire dans des difficultés différentes à surmonter.
L'ennemi, qui voyait sur les chemins les traces de cette affreuse calamité qui frappait l'armée française, chercha à en profiter. Il enveloppait toutes les colonnes par ses cosaques, qui enlevaient, comme les Arabes dans les déserts, les trains et les voitures qui s'écartaient. Cette méprisable cavalerie, qui ne fait que du bruit, et n'est pas capable d'enfoncer une compagnie de voltigeurs, se rendit redoutable à la faveur des circonstances. Cependant l'ennemi eut à se repentir de toutes les tentatives sérieuses qu'il voulut entreprendre ; il fut culbuté par le vice-roi au-devant duquel il s'était placé, et y perdit beaucoup de monde.
Le duc d'Elchingen qui, avec trois mille hommes, faisait l'arrière-garde, avait fait sauter les remparts de Smolensk. Il fut cerné et se trouva dans une position critique : il s'en tira avec cette intrépidité qui le distingue.
Après avoir tenu l'ennemi éloigné de lui pendant toute la journée du 18, et l'avoir constamment repoussé, à la nuit, il fit un mouvement par le flanc droit, passa le Borysthène, et déjoua tous les calculs de l'ennemi.
Le 19, l'armée passa le Borysthène à Orza, et l'armée russe fatiguée, ayant perdu beaucoup de monde, cessa là ses
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