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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Buisson.
    Au moment où nous nous engagions dans la rue de l’Arbre-Sec, j’avais vu descendre d’une voiture arrêtée à quelques pas une jeune femme portant une cape noire sur laquelle venait se répandre, comme des fils d’or, ses longues mèches blondes.
    La vivacité avec laquelle elle avait sauté sur le pavé, soulevant un peu sa robe, la manière dont elle s’était élancée vers nous, semblant à peine prendre appui sur le sol, m’avaient enchanté au point que je m’étais immobilisé.
    Elle m’avait regardé tout en s’adressant à Robert de Buisson, lui annonçant que Sa Majesté la reine l’avait conviée à assister dans la tribune royale aux tournois qui se dérouleraient grand-rue Saint-Antoine, et auxquels le roi participerait malgré – elle avait baissé la voix – les craintes de son épouse et des astrologues.
    Je l’écoutais. La regardais. Elle avait les traits fermes et réguliers, le nez droit, le front un peu bombé, et la manière dont elle me fixait faisait naître en moi un de ces enthousiasmes empreints de ferveur dont j’avais oublié à quel point ils peuvent faire paraître la vie légère.
    Tous les jours suivants, je l’ai cherchée, indifférent à la morgue avec laquelle mon propre frère me saluait, m’interpellait, m’accusant d’être au roi d’Espagne, d’avoir oublié ma famille et mon royaume.
    Je l’entendais à peine, comme si le monde, la vie s’étaient réduits pour moi à ma quête d’Anne de Buisson.
    Enfin, le vendredi 30 juin, je l’ai vue assise non loin de la reine Catherine et, avant de me glisser vers elle, je l’ai observée.
    Peut-être l’a-t-elle senti, car son immobilité me parut forcée, comme si elle s’obligeait à ne pas tourner la tête vers moi.
    Mais j’aimais son profil de jeune fille.
    Son frère m’avait confié qu’elle avait à peine quinze ans.
    J’en avais trente-deux, comme Philippe II.
    Et elle était sans doute huguenote. Mais, au moment où je m’avançais vers elle, je l’avais complètement oublié.
    Je me suis assis à ses pieds. J’ai levé les yeux vers elle.
    — Le roi va entrer en lice, m’a-t-elle dit sans me regarder.
    Sa voix m’a paru enrouée par l’émotion.
    J’ai entendu le battement sourd des sabots des chevaux se précipitant l’un contre l’autre.
    Je n’avais d’yeux que pour le visage d’Anne de Buisson. Elle se mordillait les lèvres, les joues tout à coup creusées.
    Il y eut un choc, des cris.
    Anne de Buisson s’est levée, a écarté les bras, puis s’est laissée tomber en avant. Je l’ai saisie et j’ai pensé que la saison des morts continuait, que je serrais contre moi un autre corps sans vie, comme l’avait été celui de mon père. Mais Anne était légère, pantelante.
    Autour de nous, d’autres femmes s’étaient dressées, puis avaient chancelé, évanouies.
    J’ai vu le roi vaciller, son cheval heurtant la lice.
    On se précipita. On retira son casque, et le sang jaillit.
    Un morceau de lance, comme un épieu acéré, lui avait percé le front au-dessus du sourcil droit ; une autre partie de la lance brisée lui avait crevé l’œil gauche.
    Avec grande souffrance pour le roi, j’ai su qu’on avait extrait cinq éclats de sa tête.
    Les chirurgiens – Philippe II avait envoyé de Bruxelles son médecin personnel, André Vesale, et Ambroise Paré avait été appelé au chevet de Henri II – avaient fait décapiter plusieurs condamnés pour tenter de comprendre, en ouvrant leurs têtes, comment ils pourraient soigner le blessé royal.
    Mais le monarque mourut.
    Et moi je conduisis Anne de Buisson jusqu’à l’hôtel de Ponthieu où les gentilshommes huguenots parlaient de crime espagnol ou bien de châtiment de Dieu.
    Comment aurais-je pu croire à la paix ?
    J’ai quitté Paris pour l’Espagne en emportant le souvenir d’Anne, cette jeune fille aux tresses blondes, en robe bleu ciel.

QUATRIÈME PARTIE

33.
    Je me suis terré plusieurs jours dans le Palacio Sarmiento.
    L’intendant Luis Rodriguez m’avait caché dans un réduit proche de ma chambre. Des coffres remplis de linge s’y entassaient et j’avais aménagé entre deux d’entre eux une cavité où je me pelotonnais dès que j’entendais des pas.
    Lorsqu’ils s’éloignaient, j’escaladais les coffres et m’installais au sommet de leur amoncellement, non loin de la lucarne. Je lisais, ne me lassant pas de suivre Dante et Virgile dans leur visite de l’Enfer.
    Je

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