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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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le sort de l’île, car le fort était la clé de voûte de la défense des baies et l’on pouvait, par des souterrains, rejoindre Mdina et les tours qui, à l’intérieur du pays, défendaient les petites villes.
    Il fallait se dépêcher d’atteindre le fort car les soldats de Mustapha pourraient facilement couper l’isthme de Saint-Elme et encercler et le fort et Bourg.
    — Nous serions alors comme une île dans l’île, avait dit Enguerrand de Mons tandis que nous marchions, que nous entendions les explosions qui se succédaient et voyions les boulets ébrécher les remparts.
    Ce matin, les boulets ont commencé à tomber et nous nous serrons les uns contre les autres sous les voûtes du fort.
    J’ai la bouche sèche. Nous manquons d’eau, d’autant plus que le rhamsin s’est levé et qu’il est chaud, chargé du sable du désert qui pique et brûle le visage, reste collé aux lèvres, s’infiltre dans la bouche.
    Tout à coup, les explosions cessent et nous entendons les tambours, les flûtes, les crécelles et les cris. Les janissaires doivent poser leurs échelles contre les remparts.
    Je me précipite, glaive levé. Les flèches sifflent. Des chevaliers tombent et une détonation ébranle le sol. Les musulmans ont dû creuser une sape sous le fort et la bourrer de poudre. Des pans de mur s’effondrent. J’entends les cris des hommes ensevelis.
    Mais le combat ne laisse le temps ni de pleurer ni d’hésiter.
    Je m’élance, glaive levé ! Et fends les corps, et tue, tue !
    Les janissaires s’accrochent aux pierres des remparts. Je leur tranche les doigts et les bras, repousse les échelles. J’égorge celui qui me fait face et me vise avec son arquebuse.
    La pointe de la pique d’un autre glisse sur ma cuirasse.
    Bientôt, au bas des remparts, sur les rochers, là où les galères turques ont débarqué des soldats, il n’y a plus qu’un entassement de corps que le ressac recouvre, tire, roule et balance dans une mer devenue rouge.
    Et de l’autre côté du fort c’est le même entassement de cadavres d’hommes et de chevaux.
    Enguerrand de Mons court sur les remparts, crie des ordres. Des hommes d’armes approchent des torches à la base de tubes courts que je sais bourrés de poudre, de tissus imbibés d’huile, de poix. Des flammes jaillissent au-dessus des remparts, s’élargissent, embrasent les buissons, enveloppent cavaliers et fantassins turcs dont les amples vêtements se consument en quelques instants.
    Les corps se recroquevillent. Les flammes deviennent rougeâtres.
    Les cris couvrent le roulement des tambours.
    Je vois ce que Dante a vu de l’Enfer.
    Je pense à Michele Spriano.
    Pas de compassion, pas de pitié, pas de remords.
    Je prends une torche, mets le feu à l’un des tubes, et je vois au bout des flammes des cavaliers dont les chevaux se cabrent, qui tentent de fuir mais que la mort ardente rejoint.
    C’est un moment de répit dans l’assaut.
    Je m’assieds, enlève mon casque. Enguerrand de Mons vient s’installer près de moi.
    — Ils reviendront, dit-il. Mais il faut être plus obstinés qu’eux. S’il réussissent à atteindre les remparts, nous nous enfermerons dans les tours, et s’ils nous en chassent nous résisterons dans les ruines, puis nous défendrons chaque maison de Bourg : la ville est fortifiée. Après quoi nous nous battrons dans les souterrains et gagnerons Mdina.
    Je baisse la tête. Je ressens la fatigue. Ma bouche est sèche.
    Je voudrais lui parler de Mathilde de Mons. C’est lui qui dit :
    — Peut-être avons-nous envoyé Dragut en enfer.
    À l’instant où je vais répondre, les boulets rouges recommencent à tomber dans un fracas d’explosions.
    Lorsque le silence se rétablit, nous sommes enveloppés de poussière, couverts de gravats. Tout à coup jaillissent les cris des janissaires, le roulement des tambours, l’éclat des trompettes, l’aigu des flûtes et des crécelles.
    — Les voici, dit Enguerrand de Mons en se levant.
    Je remets mon casque et prends mon glaive à deux mains.
    Nous avons résisté plusieurs jours encore.
    Mon corps tout entier, enfermé dans l’armure, n’était plus que souffrance ; j’avais les bras brisés à force d’avoir frappé.
    La nuit, quelques hommes qui avaient réussi à traverser l’une des baies se faufilaient jusqu’à nous. Ils arrivaient de Messine où le gouverneur Garcia de Toledo, au nom du roi d’Espagne, essayait de les retenir, empêchant la

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