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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fort
heureusement nous avions le dos aux portes, et ceux-là brandissant leurs armes,
rouges, vociférants, grinçant des dents, les yeux étincelants quasi hors de
l’orbite, hurlaient à oreilles étourdies qu’ils allaient étriper ce sacrilège,
ce démon, ce puant hérétique qui insultait à la benoîte Vierge. Criant sans
pouvoir être ouï en cette infernale vacarme, à la fin je dégainai, Giacomi et
Miroul aussi, mais c’est à peine si les courroucés marauds reculèrent d’un pas
devant les moulinets de nos fers, criant de sales et atroces injures à mon
pauvre Samson, lequel, sans mettre l’épée à la main, droit, roide, la tête
haute et le bonnet dessus, leur faisait face sans broncher ni branler, appétant
sans aucun doute au bonheur du martyre dans son irréfragable zèle.
    — Samson !
criai-je hors de moi en oc, c’est folie ! Faut-il mourir pour un
bonnet !
    Mais à cela il
ne répondit ni goutte ni miette, la face illuminée par le pensement de sa
proche et éternelle félicité à la dextre du Père. Havre de grâce !
pensai-je avec rage ; il est tout aussi sottement zélé que les sottards
qui nous assaillent ! Et qui plus est, je voyais bien que son
émerveillable vaillance, bien loin d’émouvoir la populace, ne faisait que la
dépiter davantage, pour ce qu’elle y voulait voir la preuve que mon malheureux
frère s’était donné, corps et âme, à Belzébuth de qui il tirait cette
surnaturelle force. Là-dessus, un quidam, qui, comme toujours dans cette sorte
de foule, se trouve fol assez pour se croire inspiré par Dieu, hurla :
    — Tue !
Tue ! La Vierge le veut ! Je l’ai ouïe !
    À quoi ces
enragés, reprenant en chœur, se ruèrent sur nous derechef, malgré nos pointes
menaçantes jusqu’à ce que, reculant, nous fussions quasiment le dos aux
portes :
    — Ha !
Moussu ! me cria Miroul, que faire ? Les occire ?
    Je secouai le
chef sans répondre, voyant bien que nous nous trouvions dans un prédicament
tout à plein désespéré, car il fallait soit les tuer, soit nous laisser tuer,
mais de toutes guises, que nous répandions ou non le sang, ces marauds étaient
si zélés à venger l’outrage fait à leur Vierge que, tôt ou tard, ils nous
allaient sous leur nombre accabler. J’en étais à délibérer si je n’allais pas
frapper aux portes contre lesquelles nous étions acculés, dans le fort mince
espoir que vécût là un chrétien secourable, quand je vis, fendant la foule, un
grand diable de sergent des Gardes françaises, lequel ayant bien six pieds
quatre pouces de haut, portait la tête bien au-dessus de tous, carrait des
épaules terribles, et tournait cy, tournait là une trogne si large, si gaillarde
et si colorée qu’elle eût pu servir d’enseigne à une taverne. Ce quidam
traversa comme beurre le peloton de nos assaillants, ne se servant que de sa
canne pour se frayer un chemin, et réclamant le passage d’un organe à dominer
tous les tambours de son régiment. Et c’est merveille assurément qu’un grand
corps, un splendide uniforme et une grosse voix fassent tant d’effet sur une
moutonnière multitude. Car tout ivre qu’elle fût du carnage qu’elle se
proposait, celle-ci s’ouvrit devant le sergent comme les flots devant Moïse, si
bien que parvenant devant nous et d’un geste abaissant nos épées, il se mit
devant Samson, et de sa seule canne repoussant les assaillants, il s’enquit,
d’une voix à faire frémir les murailles, de la raison de ce tumulte qui troublait
l’ordre du roi. Les furieux reculant et tout soudain s’accoisant, fort ébaudis
de l’apparence du gigantesque garde française, je profitai de ce répit pour
venir à la dextre du sergent, et Giacomi à sa senestre, faisant à Samson un tel
rempart de nos trois corps que nous le dérobions à la vue de la foule. De quoi
profita Miroul pour se glisser à pas de loup derrière mon frère, lequel restait
immobile, muet, et le cerveau comme embrumé dans le pensement de son propre
martyre, et lui ôtant son bonnet sans qu’il s’en aperçût, le cacha dans son
propre pourpoint qu’incontinent il reboutonna. Chattemitesse ruse qui fit
merveille, comme on va voir mais que, sur l’instant, je n’aperçus pas, n’ayant
d’yeux que pour le garde et la foule.
    De celle-ci,
qui maintenant grondait comme molosse tenu en laisse mais sans oser passer
outre à la canne ensorcelée du sergent, se détacha à la fin un quidam, grand et
fort assez, lequel à

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