Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
m’éclaboussât
pas de sa boue, et dans le vif recul que je fis, je me trouvai dans
l’encoignure d’une porte, laquelle tout soudain derrière moi s’ouvrit, et
Pierre de l’Etoile apparut, tout vêtu de noir, et le nez long, allongé encore
par les soucis que lui donnait le train du monde.
    — Ha !
Monsieur de l’Etoile ! criai-je, par quel miracle surgissez-vous céans
comme un Deus ex machina !
    — Ni
miracle ni mystère, dit l’Etoile. Cette maison est la mienne. Celle que vous
envisagez si curieusement de l’autre côté de la rue est pareillement à moi. Je
l’ai louée sur la prière de Recroche à la personne du carrosse de qui vous
venez de saillir. Il fut un temps, poursuivit-il de son ton morose et moral, et
cependant me jetant de côté un regard tant grondeur que gaillard, où seuls les
Seigneurs de la Cour avaient à Paris, assez loin de leurs hôtels, ces petites maisons si commodes. Et maintenant (il soupira) les honnêtes dames
les ont aussi.
    — Ha !
Monsieur ! dis-je.
    — Monsieur
de Siorac, reprit-il, j’ai à faire rue de la Ferronnerie. Vous
accompagnerais-je, cheminant et jasant ?
    — Tout
plaisir sera mien.
    — Le mien
aussi. Vous n’ignorez pas comme j’aime incriminer les mœurs du présent.
Savez-vous ce qu’a dit la défunte Jeanne d’Albret quand elle est venue de sa
vertueuse et huguenote Navarre pour signer en Paris le contrat de mariage
d’Henri et de Margot ?
    — Qu’a-t-elle
dit ? quis-je civilement.
    — Qu’en
la Cour du Royaume, ce ne sont plus les hommes qui prient les femmes, ce sont
les femmes qui prient les hommes.
    — Ha !
Monsieur !
    — Point
de ha ! Monsieur de Siorac, poursuivit-il en baissant la voix, vous êtes
une bien étrange sorte de huguenot. À peine en Paris d’un jour, vous voilà déjà
hameçonné, et qui pis est, tout frétillant au bout de votre hameçon.
    — Monsieur,
dis-je, beaucoup plus raisin que figue, me voit-on frétiller ?
    — Terriblement.
Mais pressons, de grâce. Je suis attendu rue de la Ferronnerie.
    Et en effet,
il pressait le pas, long, maigre, roide en sa démarche, roide en sa nuque et
ses épaules, et cependant l’œil curieux, fureteur et autour de lui, jeté cy,
jeté là avec une émerveillable insatiableté.
    — Monsieur,
dis-je prenant grand soin de ne la point nommer, vous connaissez cette haute
dame ?
    — Comme
ma main. Sauf que ma main dextre n’ignore pas ce que fait ma senestre, tandis
que l’hôtel des Tourelles ignore, lui, ce que fait la petite maison de
la rue Trouvevache. Monsieur de Siorac, vous souriez à peine. Cuidiez-vous être
le premier ?
    — Ni le
premier, ni le dernier. Mais Monsieur le Conseiller, peux-je quérir de vous
d’où vous connaissez cette dame ?
    — Par
Recroche, ayant appris de lui que la dame appétait à louer une petite maison
proche de son bonnetier.
    — Pourquoi
si proche ?
    — En
raison de l’extrême délicatesse de son carrosse, lequel est fort discret, et
aime mieux attendre sa maîtresse devant son bonnetier qu’en la rue Trouvevache.
    — Ha !
la ruse est jolie ! criai-je.
    Je ris et
cette fois, non pas que d’un seul côté de la face, mais à gueule bec.
    — À la
bonne heure ! dit l’Etoile, la lippe amère, mais l’œil fort vif. Je
craignais que notre ensorceleuse ne vous eût pipé l’âme en même temps que le
corps. Ha ! Monsieur de Siorac ! Quels lambeaux de vos plus tendres
sentiments vous eussiez autrement laissés à ces épines-là ! Nos Circés de cour ont le sexe tant chaud que le cœur froidureux. Le dedans, le dehors,
tout est mode et vanité. On vous jettera, dès que vous ne plairez plus.
    — Ou,
comme j’ai ouï, dès que son petit corps sera lassé de ce vaste monde.
    — Il ne
le sera jamais. Il y a trop d’appétit. Révérend docteur médecin, je prends ici
mon congé de vous. Aimeriez-vous encontrer Ambroise Paré ?
    — Ha !
Monsieur ! Je serais aux anges ! dis-je émerveillé.
    — Je vais
donc y pourvoir.
    Et tandis que
je me confondais en grâces et merciements, l’honnête l’Etoile alla à un huis
toquer, me laissant tout enchanté de sa prudence, de sa sagesse et de sa
bénignité.
    Comme j’entrai
en l’atelier de Maître Recroche pour m’enquérir de mes frères, j’y trouvai
Baragran et Alizon tirant l’aiguille, et la tirant, donnant furieusement de la
langue en une âpre disputation.
    — Tu ne
peux, cependant, nier, sotte caillette, disait Baragran,

Weitere Kostenlose Bücher