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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sifflante comme
serpatille sur sa queue. Monsieur, ajouta-t-elle, changeant de ton et plus
douce qu’agnelet nouveau, vous aurais-je fâché par mon petit babillage ?
    — Point
du tout.
    — Mille
pardons cependant, Monsieur. À l’avenir je serai plus muette que souche, reprit-elle, souriant d’un air fort entendu en prononçant ce mot.
    Mais ce fut,
comme devant, promesse creuse, car me voyant cacheter la lettre à mon père, et
incontinent en commencer une autre, elle me dit :
    — Ha !
Monsieur ! Pour le coup, vous écrivez à une dame !
    — Nenni.
J’écris à un apothicaire en Montfort-l’Amaury.
    — En
Montfort-l’Amaury ! cria-t-elle. Je connais un guillaume qui demain s’y
rend sur sa terre et vous pourra sous deux jours la réponse rapporter...
    — Mais se
chargera-t-il de ma lettre ? dis-je. Il ne me connaît point.
    — Mais il
me connaît, moi, dit Alizon, et le fera, si je l’en quiers.
    — À
merveille, Alizon, je te fais mille mercis !
    Et je lui
baillai un gentil regard, pensant en mon for qu’en toutes choses, patience est
bonne, puisqu'à souffrir que la mignote jasât continuellement pendant mes
écritures, j’avais gagné une tant prompte estafette.
    Ma lettre au
Maître Béqueret étant cachetée de mon sceau, je la confiai donc à Alizon et
incontinent elle la mit dans son giron comme si ce fût un billet d’amour que je
lui eusse écrit, m’adressant « mille petits souris et œillades »
comme elle avait dit que faisait le petit Henriot. Tout cela ne laissa pas de
me faire chaud au cœur, au milieu des épines qui me venaient de ma vêture, sans
toutefois la pointe en émousser.
    Telle est
pourtant ma bondissante complexion que de tout tracas je me relève tant vite
qu’un esteuf dès qu’il a le sol touché. Sur le dernier tendre souris qu’Alizon
m’adressa avant que de se remettre à son aiguillée, onze heures sonnant à la
chapelle des Saints-Innocents (lesquels étaient bien assurés de le demeurer à
jamais, puisqu’ils n’étaient plus vifs), je saillis d’un pas alerte du logis
pour me rendre rue Trouvevache, bénissant, à chaque pas, l’aimable bénignité de
M. de l’Etoile, et le cœur me battant fort dans l’allègre pensement de déjeuner
chez lui en si docte et célèbre compagnie.
    Que ce fût sa charge
de Grand Audiencier ou l’héritage de ses parents qui le rendît si étoffé, le
logis de Pierre de l’Etoile n’était ni chiche ni chétif, et la salle où il nous
bailla à manger (laquelle était sise au premier étage) se recommandait par de
belles boiseries de chêne fort bien cirées, d’une cheminée où un veau aurait pu
être mis à rôtir en son entièreté, et sur la façade, par une suite continue de
fenêtres grandettes assez, lesquelles n’étaient point garnies de petits
carreaux brouillés sertis de plomb, mais de belles vitres carrées et
transparentes, comme la mode, surtout en Paris, s’en répandait alors dans les
maisons de la noblesse. J’en fis mon compliment à Pierre de l’Etoile que je
trouvai seul, vêtu de noir, la bouche chagrine, le nez long, roide en ses
épaules et sa nuque, l’œil cependant aussi mouvant et vif que son corps l’était
peu, encore qu’il me parût ce jour plein de mélancolie.
    — Ha !
Monsieur ! dis-je, quelle commode clarté baille à cette belle salle cette
continuité de fenêtres et ces grands carreaux que voilà.
    — Oui-da !
dit-il après m’avoir donné une forte brassée, tant clair est le logis que
l’habitant est sombre.
    — Quoi
Monsieur ? dis-je, fort surpris de ce ton, êtes-vous déconforté ?
    — Infiniment.
Cette année a été en beaucoup de sortes malencontreuse pour moi, affligé que je
fus de diverses maladies de corps et d’esprit, frappé en mes biens de pertes
extraordinaires, accablé d’affaires et de procès, rejeté de mes proches,
déprisé et inquiété de tous, jusqu’à des faquins, valets et chambrières... Par
surcroît, tant travaillé de mes péchés, ajouta-t-il en baissant la voix et
l’œil fiché à terre, que je redoute de mourir à la mort et crains de vivre à la
vie.
    — Ha !
Monsieur ! criai-je, fort frappé d’un sentiment si cruel pour soi, laissez
là des pensées tant amères et vivez plus à l’aise selon la pente où votre
complexion vous pousse. N’allez point, de grâce, permettre à l’Au-Delà de vous
gâcher votre En-Deçà ! Ni à la mort de vous perdre la vie ! Et pour
le reste, que

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