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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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juge le souverain juge, quand le moment viendra !
    — Ha !
mon cher Siorac ! dit l’Etoile, un soudain souris sur sa face chagrine, la
clarté de cette salle, c’est vous qui l’y apportez par votre accent chantant et
votre tant allègre et bondissante humeur ! Ha ! Que j’aime et vous
envie la félicité de votre disposition ! Les péchés ne paraissent pas
peser plus lourd sur votre épaule que roitelet sur la branche d’un chêne !
    — C’est
que, dis-je, j’ai telle fiance en la bénignité du Créateur que je ne pense pas
qu’il nous gardera une dent si mauvaise des pauvres petits plaisirs que nous
aurons qui cy qui là grapillés en notre vie si brève.
    — Hélas !
On ne nous l’enseigne pas ainsi ! dit l’Etoile avec un grand soupir.
    — Aussi
en cuidai-je davantage mon intime sentiment que le dur prêche d’un prêtre
encoléré, me reposant comme j’ai dit, en la suave bonté et bénignité du Christ,
lequel pardonna à la ribaude comme à la femme adultère.
    — C’étaient
garces, dit l’Etoile avec un soupir, et tant faibles sont les garces que le
pardon leur est plus volontiers donné.
    — Faibles ?
dis-je en riant. Ne le sommes-nous pas tout autant ?
    À quoi je ne
sus pas ce qu’il aurait répliqué pour ce qu’entrèrent au même moment dans la
salle le chirurgien Ambroise Paré et le révérend Maître ès arts, Pierre de la
Ramée, que l’on appelait Ramus en le français latinisé de nos écoles. Je ne
sais s’ils étaient dans le quotidien grands amis, mais ils se tenaient par le
bras et avaient je ne sais quoi de parent dans la mine, combien que leurs
faces, et volume et symétrie de corps fussent différents.
    Ambroise Paré,
qui avait alors soixante-trois ans, était moyen de taille, l’épaule large, fort
robuste sans aller jusqu’à l’embonpoint, le cheveu gris, rare et court, la
barbe fluviale mais peu fournie, la face longue, la joue creuse, le nez gros et
arrondi du bout, l’œil vif, brillant, jaune brun, à s’teure grave, à s’teure
rieur. Ramus, qui était de dix ans son cadet, paraissait grand davantage pour
ce que sa taille était plus élancée, et alors que Paré, comme l’Etoile, était austèrement
vêtu de velours noir, Ramus portait un pourpoint de satin bleu avec des manches
à crevés et un col de dentelle blanche rabattu au lieu de la petite fraise
huguenote sur laquelle la tête de Paré était si roidement posée. Cette vêture
de Ramus et l’épée qu’il avait au côté lui donnaient du noble, et en effet, il
l’était, encore que né d’un gentilhomme ruiné, il eût dû, en ses jeunes ans,
faire le valet au collège de Navarre pour pouvoir, la nuit, se nourrir aux
lettres.
    Son œil était
brun foncé et fort perçant sous un sourcil noir irascible dessiné en accent
circonflexe, le nez aquilin et impérieux, la mâchoire forte, avancée,
belliqueuse, de poivre et de sel barbue, et enfin, sur cette forte face était
posé comme un auguste dôme un large crâne aussi poli qu’un œuf.
    L’un et
l’autre m’accueillirent avec beaucoup de bonne grâce quand Pierre de l’Etoile à
eux me présenta, Ambroise Paré faisant incontinent un fort grand éloge de
l’École de Médecine de Montpellier, la plaçant fort haut au-dessus de celle de
Paris, laquelle il opinait être sans remède enfoncée dans l’ornière de la
scolastique. Quoi dit, et Pierre de l’Etoile l’y invitant, il prit place à
table et tout soudain se mit à gloutir tout ce qu’un petit valet et une
chambrière lui mirent sur son écuelle, ayant un appétit strident, mais non à
l’étourdie, car avant que d’avaler, il remuait longuement en son bec chaque
bouchée comme s’il tâchait d’y discerner le bon et le mauvais : habitude
qui m’étonna fort, avant qu’il l’expliquât par l’attentement que l’on avait
fait, lors du siège de Rouen, de l’empoisonner.
    Au mot de
scolastique que Paré avait prononcé, Ramus tressaillit comme un cheval qui sent
l’éperon et à peine assis, sans rien toucher aux mets, se lança contre ladite
scolastique, son œil jetant des flammes, en une vive et furieuse diatribe,
mêlant français et latin mais traduisant celui-ci incontinent pour ce qu’il
était déconnu d’Ambroise Paré, lequel était venu à la chirurgie par son état de
barbier et ne s’était point nourri ès arts comme Ramus avait fait.
    — Ha !
Vous dites bien, Paré ! cria-t-il, vous dites bien, « l’ornière de

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