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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mettent la
contemplation des idées au-dessus de tout. Et certes, poursuivit-il (ce mot
« certes » trahissant le huguenot, comme je le savais de la veille
par M me des Tourelles), les théorèmes de la mathématique sont, de
soi, admirables et profonds, mais combien plus émerveillables les fruits qu’on
en tire pour la commodité de l’homme ! Je tiens les spéculations sur
l’essence des entités mathématiques pour vaines et sans profit. La fin des arts
est dans l’usance qu’on en fait, tant est qu’il est à la fin au rebours du bon
sens de chercher l’or au-dedans de la terre si on néglige de cultiver les
légumes à sa surface.
    — Ha !
dis-je, l’excellent apophtegme et comme il agréerait à mon père s’il le pouvait
ouïr de vous !
    — Raison
pour quoi, reprit Ramus, Archimède est grand, point seulement par ses
théorèmes, mais par les applications qu’il en fit : la vis sans fin, la
poulie, les roues dentées, les machines de guerre, et jusqu’à ces grands
miroirs par quoi il incendiait les navires romains qui assiégeaient sa petite
patrie. Savez-vous, Monsieur de Siorac, poursuivit-il en se tournant vers moi
qui l’oyais avec ravissement, savez-vous que les Sorboniques m’ont blâmé pour
avoir inséré dans mon livre sur l’arithmétique des méthodes de calcul qui sont
de commune usance parmi les marchands de Saint-Denis ? On n’a point osé
dire que ces méthodes étaient fausses et, havre de grâce ! comment l’eût-on
prouvé ? Mais on a prétendu qu’elles étaient souillées par la pratique
qu’en faisaient les gens mécaniques ! Ha ! cria-t-il en élevant les
deux bras en son récurrent courroux, le mauvais préjugé de ces pédants
pédantizés !
    — Monsieur
de la Ramée, dit l’Etoile avec un sourire, si votre ire se rallume encore, elle
va vous bailler de la bile à gâter votre digestion. Goûtez avec sérénité ces
crêtes et rognons de coq et ces culs d’artichaut. Ce sont mets si délicats que
je m’étonne que la Reine-Mère en ait failli crever.
    — Elle en
a glouti plus que de raison, dit Ambroise Paré, étant ogresse à table, comme on
dit qu’elle l’était au lit du vivant d’Henri II. L’Étoile, vous qui savez
tout et de la Ville et de la Cour, et en êtes comme la vivante et quotidienne
chronique, est-il vrai que l’Évêque de Sisteron est mort ce lundi passé, en
Paris, et en aussi mauvaise odeur qu’il a toute sa vie vécu ?
    — Hélas !
Ce n’est que trop vrai, dit l’Etoile, moral et morose comme à son accoutumée,
ce prélat était de tous les pourceaux d’Épicure le plus orde et le plus sale.
Charitablement visité sur son lit de mort par une belle et noble dame qui lui
demandait ce qu’elle lui pouvait bailler pour l’assister en ses derniers
moments, il lui répondit sans vergogne : « Donne-moi ton cas. Rien ne
me plaît de toi que lui. Ce qui fut cher aux vivants doit l’être aussi aux
mourants. »
    — Et le
lui bailla-t-elle ? demanda la Ramée, l’œil tout allumé. Poussa-t-elle la
charité si loin ?
    — Qu’en
eût-il fait ? dit l’Etoile. Il était en sa tout extrême extrémité et
toutefois vomissant mille profanités encore, au moment même que de comparaître
devant son Créateur.
    — Et de
quelle méchante grâce ce vilain homme accueillit les bons offices de cette
noble dame ! dit Ambroise Paré, de sa voix tant calme et quiète, encore
que son œil jaune-brun montrât de la mélancolie, comme chaque fois qu’on
parlait devant lui de la mort, laquelle il tenait pour sa grande et personnelle
ennemie. N’est-ce pas émerveillable, reprit-il, que de frustes soldats montrent
plus d’humaine gratitude qu’un évêque ? Je me ramentois qu’en 1552 –
il y a déjà vingt ans de cela – étant au siège de Metz chirurgien de M. de
Rohan, je vis qu’on avait laissé pour mort sur le rempart un soldat de sa
compagnie. Trouvant, à l’examiner, qu’il respirait encore, quoiqu’une
arquebusade lui eût percé d’outre en outre le poumon droit et que le médecin de
M. de Rohan eût jugé qu’il était perdu, je le fis porter en ma maison et tout
un mois, je me fis à son chevet tour à tour son médecin, son apothicaire, son chirurgien
et son cuisinier. Dieu voulut qu’à la fin il guérît et les hommes d’armes de sa
compagnie, émerveillés que j’eusse tant labouré à arracher l’un des leurs aux
dents de la mort, me baillèrent chacun un écu, et les archers,

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