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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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point qu’en France elle est ce jour d’hui tout à
plein désenseignée, et n’est connue, pour les besoins de leurs états, que des
marchands, des navigateurs, des orfèvres et des trésoriers royaux.
    — Quoi ?
dis-je, béant, la mathématique en France désenseignée, alors qu’en Allemagne,
elle fleurit ! Comment cela est-il possible ?
    — Monsieur
de Siorac ! dit Ramus, sa forte face s’animant de dol et de courroux, le
Roi ayant créé pour moi la première chaire de mathématique du Collège Royal, je
l’occupai non sans éclat ni utilité pendant dix ans – au bout desquels
ayant quitté la religion du Roi, je dus aussi quitter ma chaire, laquelle fut
achetée par un quidam qui savait à vrai dire quelque mathématique, mais bientôt
lassé par l’âge, la revendit. Et savez-vous qui l’acheta ?
    — Non
point, dis-je, étonné de la fureur qui agitait Ramus, ses mains, ses bras et sa
tête branlants en son irréfrénable ire.
    — Un
indocte ! hucha Ramus, un indocte qui n’en sait totalement rien ! un
indocte qui n’en a fait ni étude ni profession ! un indocte qui
publiquement se gausse de la science qu’il est censé enseigner et a le front de
répéter que la mathématique n’est qu’abstraction tant vaine et fantastique
qu’elle ne peut apporter aucune utilité à la vie humaine !
    Ayant dit et
comme étouffé par son propre courroux, il s’accoisa, tout le corps cependant
frémissant. Et comme je l’envisageais béant et à vrai dire quasi douteur et
incrédule, Pierre de l’Etoile, discernant ma doutance, dit d’un air
grave :
    — Cela
est vrai, Monsieur de Siorac, combien que cela puisse paraître en raison
incrédible. Cet « indocte », comme dit M. de la Ramée, se nomme
Charpentier, il ne sait pas un traître mot de la mathématique et s’il a pu en
acheter la chaire au Collège Royal, c’est en raison du puissant appui que lui apportèrent
le Duc de Guise et les Jésuites, pour ce que notre quidam est catholique zélé,
dévot, hurlant avec les loups, au demeurant petit homme venimeux, fielleux et
rancuneux qui hait à mort notre ami que voilà – lequel a confondu son
abyssale ignorance.
    — Ha !
dit Ambroise Paré, arrêtant sa lente mastication, je connais bien ces haines
sorboniques ! À chaque fois que les découvreurs de notre temps, saillant
de l’ornière scolastique, ont trébuché sur quelque vérité, il n’est si petit
pédant en Sorbonne, qui, juché sur Aristote comme un corbeau sur un clocher,
n’ait croassé contre eux un milliasse d’injures ! Ainsi contre moi pour
avoir osé mettre la main à la pâte et découvrir au bout de mon cotel ce que mes
censeurs n’avaient pu trouver dans leurs livres. Et pourtant, bien peu chaut à
la commune usance et à l’utilité publique qu’un quistre hérissé de grec aille
pillant Hippocrate et en sa chaire royale caquette de la chirurgie, si sa main
n’y a d’abord besogné ! Ce n’est point dans une bibliothèque mais c’est
sur le champ de bataille que j’ai imaginé de ligaturer les artères.
    — Ha !
Révérend Maître ! criai-je avec chaleur, les navrés de nos guerres vous en
auront une reconnaissance éternelle, car à vrai dire la cautérisation des
plaies des amputés par l’huile et le feu entraînait un pâtiment affreux !
    — Lequel,
dit Ambroise Paré en secouant la tête, venant après l’amputation, était si
strident que souvent il entraînait la mort. Quoi observant et ayant dans les
oreilles les hurlements des soldats dont on brûlait cruellement les membres
amputés, je me dis que, le flux du sang s’écoulant par les artères, il me
suffirait, les ayant pincées, de les lier pour que le flux cessât.
    Ce qui parut
tout simple à être énoncé aussi simplement qu’il le fit, tant est enfin qu’on
s’étonnait qu’aucun chirurgien au monde n’y eût rêvé avant lui. Et pourtant, me
pensai-je, celui-là qui l’a trouvé ne savait ni grec ni latin, et n’était point
docteur médecin !
    — Vous
avez bien dit, Paré, dit Ramus s’échauffant, mettre la main à la pâte, voilà ce
que nos escouillés de Sorbonne ne sauraient à quiconque pardonner, eux qui sont
assis dans leur trou de rat à se conchier sans fin de leur fausse science
livresque ! Ainsi l’indocte Charpentier, déprisant ce qu’il ne sait, va
répétant que « compter et mesurer sont les fientes et les ordures de la
mathématique ». Et nos platoniciens d’applaudir, qui

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