Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
prou.
    Incontinent il
s’évanouit, fluet et vif, dans la presse, comme anguille entre les roches se
coulant.
    — Mon
frère, dit Samson l’œil en fleur, ce gentilhomme que voilà est tant habile que
beau. À peu qu’il ne manie l’épée aussi bien que son maestro.
    — Plaise
à Dieu, dis-je les dents serrées, qu’il soit tant bénin qu’il est plaisant à
voir.
    Cependant, le
jeu des deux duellistes était si prompt, si fin, si délié, leurs deux lames
s’attachant l’une à l’autre aussi continuement que si chacune d’elles avait
pressenti à chaque instant quelle botte l’autre allait porter, que l’intérêt si
vif que j’y prenais n’avait pas laissé d’apazimer par degrés le courroux que la
remembrance des regards offensants du quidam avait en moi revivifié.
    — Moussu,
dit Miroul surgissant à mon côté comme diable saillant de terre, et parlant
fort bas en oc, le grison en pourpoint marron clair est le marquis d’O. Il
n’est pas de gentilhomme dans le royaume qui ait un nom plus bref, ni à ce que
j’ai ouï, le bras plus long.
    — Et le
damoiseau sur l’épaule de qui il a posé sa dextre ?
    — Ce
frisquet poupelet est M. de Maugiron, cadet de fort haute famille. Le tertium quid, à savoir l’arrogant muguet que vous n’aimez pas prou, se
nomme Quéribus. Tout jeune qu’il soit, il est Baron. Tous trois sont au Duc
d’Anjou, et lui sont dévoués jusqu’à la mort, et même au-delà. Tant est qu’ils
vendraient leur âme pour lui, s’ils en avaient une.
    — Est-ce
un valet qui t’a dit cela, Miroul ? dis-je en quelque doutance.
    — Il l’a
dit plus malgracieusement. Et je ne sais si c’est vrai. Il sert un gentilhomme
qui appartient au Roi, et entre la maison du Duc et la maison de son frère le
Roi, il m’a semblé que l’amour n’était ni grande ni fraternelle.
    À cet instant,
le grand Silvie, lequel était long et mince quasiment comme sa propre épée, et
présentait à l’œil si peu d’épaisseur et de corporelle substance qu’on se
demandait comment la pointe d’une lame le pouvait jamais atteindre, rompit d’un
pas (ce qu’il ne faisait jamais en ses assauts) et se redressant de toute sa
prodigieuse taille, salua à l’italienne le Baron de Quéribus, signifiant ainsi
que la leçon, si leçon il y avait, était finie. À quoi Quéribus répondit par un
salut de même facture, mais non point de pareille amplitude tant il s’en
fallait que son bras et sa taille fussent aussi conséquents que ceux du
maestro. Sur quoi, un valet accourant, lui prit l’épée des mains pour lui
épargner le labour de la remettre au fourreau, et un autre lui tendit son
pourpoint, lequel était comme le mien taillé en satin bleu pâle, mais tant
magnifique, brodé, emperlé et à la mode façonné que le mien l’était peu.
Quéribus, l’enfilant à la diable, se dirigeait vers le marquis d’O et de
Maugiron, le visage rieur et quelque gausserie prête à éclore sur ses lèvres,
quand tout soudain il m’aperçut, le dévorant des yeux. Sa face alors se gela,
et sa lèvre pincée en irrision, son œil sourcillant avec la dernière hauteur,
il me jeta un regard de si infini déprisement que ma haine pour lui flamboya
derechef. Incontinent soulevé d’un extraordinaire courroux par l’odieuse
répétition de ses offenses, et lui rendant un œil meurtrier, je portai sans que
j’en susse ma dextre à la poignée de mon épée, et l’eus peut-être en ma folie
tirée, si Miroul, béant, ne m’avait posé la main sur mon bras, laquelle main,
pour ainsi parler, me réveillant de ma transe, je pivotai sur mes talons, très
à l’abrupt, et, ivre de mon ire, fendis la presse sans ménager personne, voyant
à peine les alentours tant la fureur m’aveuglait, Miroul et Samson me suivant,
le premier ayant quelque idée de mon grand émeuvement, le second sans y
entendre rien et répétant de son infantine voix : « Qu’est
cela ? Qu’est cela ? » Tant est qu’à la fin, tournant la tête,
je lui dis d’une voix irritée :
    — Mon
frère, ne pouvez-vous que vous ne zézayiez ?
    À quoi
s’accoisant et rougissant, mon pauvre Samson eut l’air si marri qu’une grande
honte me vint de ma méchantise et ralentissant ma précipiteuse allure, comme
nous saillions du bâtiment dans la cour du Louvre, je vins me mettre à son
côté, glissai mon bras sous le sien, et le serrai sans piper contre mon flanc,
marchant avec lui au même pas et l’aimant

Weitere Kostenlose Bücher