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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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état ?
    — Si
fait. Carré qui apprit les armes au Prince de Navarre. Et Rabastens.
    — Et qui
te semble à toi le meilleur de tous ? dis-je, sachant bien que je l’allais
prodigieusement flatter en lui quérant cela, Miroul étant raffolé de ce noble
desport dans lequel, sous Giacomi, il avait grandement avancé.
    — Ha !
Moussu ! dit-il, baissant la voix davantage, selon mon cœur, c’est le
maestro Giacomi. Mais si j’en crois mon œil, c’est Silvie.
    — Comment
est-il ?
    — Un
grand échalas si mince qu’on croit qu’il va casser. Mais il ne casse point,
étant comme sa lame d’un acier bien trempé.
    À quoi je ris,
aimant tout de mon gentil Miroul, et son français, et son oc, et aussi son
latin, ou du moins les perles latines dont il aimait orner coquettement son
langage.
    — Or
donc, dis-je, prenant Samson par le bras, allons voir ce grand artiste pingere cum gladio.
    — Pingere
cum gladio ? dit Miroul. Qu’est cela ?
    — Peindre
avec l’épée.
    Et comme il
s’accoisa tout le temps qu’on mit à fendre tous trois la presse pour atteindre
le fond de la galerie où tirait le grand Silvie, j’entendis, au remuement de
ses lèvres, qu’il se répétait ma citation avant que de la jeter toute chaude
dans la gibecière de sa mémoire.
    Havre de
grâce, que j’eusse admiré Silvie, ce maître émerveillable, et le plus
prodigieux peut-être qui fût en ce royaume, si tout soudain mon œil n’était
tombé sur le gentilhomme qui croisait le fer avec lui. Sanguienne ! Mon
sang jeune à sa vue me bouillut le cerveau, et mes ongles en mes paumes
enfonçant, à peu que je perdis vent et haleine par le courroux qui, tout
soudain, me fit trembler et tressaillir comme feuille d’automne sur un arbre.
Car je voyais là, tout juste devant moi en sa chemise de soie brodée, agile et
bondissant comme faon en forêt, le fat de cour qui la veille, dans la pièce du
jeu de paume où un valet étrillait M. de Nançay, m’avait accablé de ses
insolents et déprisants regards. Tudieu ! Ma rage s’en réveilla de plus
belle, me secouant, comme j’ai dit, de la tête aux pieds, et me gorgeant
jusqu’au gargamel d’un dépit d’autant âcre et amer que haïssant ce coquardeau à
la limite de la haine, je ne laissais dans le même temps de l’admirer, si bien
proportionné en sa membrature, si dextre en son branle, si habile à l’épée. Ce
qui ajoutait encore à ma fureur, c’était que ce muguet n’était point sans me
ressembler par l’âge, la taille, la tournure, la couleur du cheveu et de l’œil
et jusqu’à cette ardeur à vivre qui se lisait en ses traits, encore que ceux-ci
fussent plus beaux que les miens. Cette ressemblance ne pouvait qu’elle
n’empirât les choses. Car, lecteur, imagine que tu vois dans un miroir ta
terrestre apparence, portée à une entière perfection, et que cet être si
parfait, au lieu que de te sourire comme un frère, t’envisage au rebours avec
une irrision infinie, et tu entendras mieux la cause, la racine et l’étendue de
mon mortifiement.
    Cependant,
l’outrecuide galant, non seulement tirait à merveille, dissimulant sa force et
son art sous la plus nonchalante grâce, mais ne laissait pas, l’œil fixé sur la
lame voltigeante du grand Silvie, d’échanger, ce faisant, de badins propos avec
deux gentilshommes qui, debout non loin de l’endroit où j’étais,
l’envisageaient avec une amitié tant intime et que c’était merveille que d’en
observer entre eux les manifestes signes. Le plus âgé de ces deux seigneurs
pouvait tirer sur les quarante ans, le visage noble et comme poli, l’œil épiant
et sagace, le corps allant s’épaississant mais sans bedondaine, sa vêture,
marron clair avec des crevés jaunes, j’entends quasiment d’une seule teinte de
deux tons différents, tandis que celle de son jeune compagnon était tant
bariolée de couleurs diverses que vous eussiez dit une prairie au mois de mai.
Celui-ci, à mon sentiment, n’avait pas vingt ans et était de sa face si beau et
resplendissant qu’à part mon bien-aimé Samson je n’avais vu à ce jour personne
qui l’égalât.
    — Moussu,
dit Miroul qui avait suivi fort curieusement mes regards, appétez-vous à
connaître le quoi et le qu’est-ce de ces beaux gentilshommes ?
    — Oui-da,
et aussi de celui qui tire avec Silvie. De celui-là surtout.
    — J’entends
bien, dit Miroul. À vous voir, il m’a semblé que vous ne l’aimiez pas

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