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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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septembre 1570, deux ans et demi plus tard.
C’est que la guerre entre les huguenots et les royaux n’avait point failli à se
rallumer, la Médicis ayant tâché de faire saisir et occire par traîtrise à
Noyers Condé et Coligny. Et la guerre derechef ravageant tout, comment
chevaucher sur les grands chemins sans péril courir aux mains des
papistes ?
    Quand je retournai à Mespech en
1570, mon père n’eut de cesse qu’il me fît lire les courriers qu’il avait
reçus, pendant les troubles, de deux amis fort chers, l’un nommé Rouffignac qui
combattait dans l’armée huguenote et l’autre qui n’était autre que le vicomte
d’Argence, capitaine dans les armées royales, lequel, comme on sait, captura le
Prince de Condé à la bataille de Jarnac. J’ai lu ces missives avec un zèle
infini, et comme elles ne furent mie publiées et ne peuvent plus l’être, leurs
auteurs ayant été rappelés par le Seigneur, j’entends en recueillir céans le
substantifique suc pour l’instruction du lecteur.
    Combien qu’il admirât l’amiral de
Coligny, Rouffignac ne cela point dans ses lettres qu’il commit une incrédible
erreur en ces occasions. Quand Tavannes (qui commandait, en effet, les royaux
du Duc d’Anjou) apparut sur la rive droite de la Charente, au pont de
Châteauneuf, Condé occupait Bassac et Coligny, Jarnac. Et l’Amiral, au lieu de
se rabattre incontinent sur Condé, perdit un temps inouï à rappeler ses
coureurs et quand enfin il dut combattre, Tavannes le pressant, il fut à deux
doigts d’être accablé sous le nombre et appela Condé à l’aide. « La male
heure, écrivit Rouffignac, voulut que ce Prince, en mettant le pied à 1’étrier,
eût la jambe cassée, le cheval de La Rochefoucauld l’ayant toqué du sabot –
et tant cassé que l’os lui saillait hors de la botte. Il n’en voulut pas moins
charger ; grimaçant, il se hissa à grand labour sur sa monture. »
    — Messieurs, dit-il aux
gentilshommes qui l’entouraient (et à La Rochefoucauld, lequel, tout pleurant,
cravachait son cheval), Messieurs, voyez en quel état le Prince de Bourbon
entre au combat pour Christ et sa patrie !
    Ayant dit, il chargea avec sa
coutumière impétuosité un ennemi dix fois plus nombreux.
    On sait la suite : Condé
soulagea fort Coligny, mais enveloppé par les profondes masses des royaux,
isolé, son cheval tué sous lui, il s’adossa à un arbre et, jetant ses pistolets
inutiles, tira épée et dague, et bec et ongles se battit. « Je le
reconnus », écrit d’Argence, « et j’accourus.  »
    « — Monseigneur, dis-je
en rabattant les épées dont il était entouré, je suis d’Argence que vous avez
si grandement obligé. Plaise Votre Altesse de se rendre à moi. Elle ne peut
combattre plus avant, l’os de la jambe lui saillant hors la botte. » Et
comme il ne répondait pas, je repris : « De grâce, Monseigneur,
rendez-vous. Je vous garantis quant à moi la vie sauve. »
    « — Quant à toi,
d’Argence ! dit le Prince du ton le plus amer en jetant enfin à terre son
épée et sa dague.
    « Comme il achevait, je vis
apparaître, galopant vers nous, les gardes du Duc d’Anjou reconnaissables de
loin à leurs mantelets rouges.
    « — Voilà, dit Condé
sans battre un cil (quoiqu’il pâtit fort de sa jambe), voilà venir les rouges
corbeaux qui me vont dépecer !
    « — Monseigneur, dis-je,
vous voilà, en effet, en immense péril ! Cachez-vous la face que vous ne
soyez reconnu !
    « Mais il n’y voulut pas
consentir, cette mascarade lui paraissant indigne de sa grandeur.
    « — Ha !
D’Argence ! dit-il, tu ne me sauveras point !
    « Et en effet, à peine
Montesquiou qui était capitaine des gardes d’Anjou eut-il ouï le nom du
prisonnier qu’il cria :
    « — Tue, mordiou !
Tue !
    « Je courus à lui qui mettait
pied à terre, je lui remontrai que le Prince était mon prisonnier, que je lui
avais garanti la vie sauve, mais Montesquiou, marchant à longues jambes, arma
son pistolet sans me dire mot ni miette et, passant derrière le Prince, lui
cassa la tête, un œil lui pendant hors de l’orbite, la balle étant par là
ressortie.
    «— Ha !
Montesquiou ! criai-je, un homme désarmé ! Un Prince du sang !
C’est vilainie !
    « — C’est vilainie, en
effet ! dit Montesquiou et, envisageant le Prince à terre, et les larmes
roulant tout soudain sur sa face tannée, il ajouta : Comme vous savez, je
ne suis point

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