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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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celui qui l’a commandée.
    « Je savais, en effet,
poursuit d’Argence, que ce commandement qui était de dépêcher à la chaude tous
les capitaines huguenots capturés, et par-dessus tout, Condé et Coligny s’ils
tombaient en nos mains, venait du Duc d’Anjou, lequel ordonna aussi qu’on lui
amenât le corps de Condé non point sur un cheval, mais pour plus de honte et
rabaissement, sur une ânesse, la tête et les jambes de chaque côté pendant que
c’était pitié ! Indignité dont le Duc, tout frère du Roi qu’il fût, se
trouva, à voix basse, blâmé par plus d’un capitaine royal, le Prince ayant été
si vaillant. »
    Mon père relisant cette lettre
par-dessus mon épaule tandis que j’étais assis à la table de sa librairie, je
lui dis :
    — N’est-ce pas odieuse
meurtrerie ?
    — Oui-da ! Et par
surcroît, une faute ! car il eût été plus facile au Roi de s’entendre avec
Condé qu’avec Coligny. Je ne sais qui a dit que Condé était :
     
    Ce petit Prince tant joli
    Qui toujours chante et toujours
rit.
     
    Mais Ventre Saint-Antoine, cela le
peint à vif ! Le Prince était vaillant au combat, ardent au déduit, haut à
la main, pointilleux, coléreux, et – s’il faut le dire enfin – léger.
Ayant la tête plus ardente que politique, il a signé deux fois avec la Médicis
des traités pour les nôtres fort désavantageux. Mais lisez tout haut ce que dit
Rouffignac de Coligny.
    « L’Amiral, si j’ose céans
l’avouer, n’est point toujours excelse dans la conduite des combats, comme on
le vit bien à Jarnac. Mais homme de foi et de fiance, tenace, intouché du
désespoir, il ne cuide jamais qu’une bataille peuve perdre la guerre. Aussi
excelle-t-il dans les retraites. Et cette fois encore, dérobant son armée après
notre triste journée de Jarnac, il la sauva, et put gagner avec elle une place
de sûreté. La Reine de Navarre vint l’y rejoindre. Ha, mon ami ! l’impavide
et imployable huguenote que nous avons là ! Elle présenta aux soldats
Condé, le fils du héros mort, et son propre fils, Henri de Navarre, lequel a
tout juste seize ans. »
    — Ha ! dis-je, non sans
laisser voir quelque envie, n’est-ce pas pitié ? Navarre a deux ans de
moins que moi et il sert aux armées !
    — Monsieur mon fils, dit mon
père en haussant le sourcil d’un air de gausserie. Que dois-je entendre ?
Êtes-vous Bourbon ? Êtes-vous Prince du sang ? Hériterez-vous du
trône de France si les trois fils de la Médicis meurent sans enfant ?
Laissez donc Navarre labourer pour son avancement et pour le vôtre labourez
céans : c’est la sagesse.
    Ainsi tancé et rabattu, mais plus
en riant qu’en sourcillant, je poursuivis la lettre de Rouffignac :
    « Si l’Amiral a perdu la
bataille de Jarnac en encourant l’erreur que j’ai dite, il perdit par la faute
de ses reîtres allemands celle de Moncontour.
    « Au moment que d’occuper les
positions fortes que Coligny leur avait désignées, ne voilà-t-il pas que nos
Allemands mettent l’arme au pied et réclament leur solde ! Point de
pécunes, crient-ils en leur baragouin, point de combat ! Ha, mon
ami ! Quel embarras ! Quelle traverse ! Et surtout quel funeste
retardement ! — lequel ne fut à nul autre plus funeste qu’à eux-mêmes. Car
surpris en ras pays tandis qu’ils disputaient, les Suisses du Duc d’Anjou les
enveloppent, les accablent et par vieille jalousie de métier, les massacrent
tous jusqu’au dernier. Et ce fut là tout le salaire que reçurent en cette vie
ces pauvres gueux !
    « Quant à nous, après Jarnac,
nous perdîmes la bataille de Moncontour pour la plus grande gloire du Duc
d’Anjou (qui, du reste ne fit rien, Tavannes faisant tout), ce qui ravit d’aise
cette vieille chienne de Médicis, charmée que son fils favori se taillât un renom
bien au-dessus du Roi. Et cependant cuidez-vous que ce revers abattit Coligny,
tout navré qu’il fût, et de surcroît la joue percée d’une balle, et quatre
dents brisées ? Nenni ! À Moncontour commence, pour notre débris
d’armée, une longue, une incroyable, une tournoyante marche dont peut-être vous
avez déjà quelques échos.
    « Oyez bien ! De Saintes
où nous nous retirâmes, on gagna Aiguillon où l’on prit et pilla le château.
D’Aiguillon – semant sur les chemins nos chevaux fourbus –, nous
fîmes route sur Montauban où nous rejoignit l’armée des sept Vicomtes. Ainsi
fortifié et grossi, on

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