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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pâtés de chair de porc six
deniers l’un, le double de ce que je les avais payés mon premier jour en Paris.
Je barguignai, mais le compère ne voulant rien rabattre, pour ce qu’il savait
bien que tavernes et repues étaient closes, je ne voulus pas pousser plus outre
la disputation, de peur de lui mettre puce à l’oreille, les huguenots étant
réputés barguignards. Et encore eus-je soin de lui parler dans le parler de sa
ville, l’accent d’oc étant lui aussi fort suspect.
    De ces pâtés,
nous mangeâmes trois chacun et les trouvâmes surcroûtés et succulents, de sorte
qu’on sentait encore contre le palais leur onctueuse savoureuseté après qu’on
les eut gloutis. Il me frappa comme très étrange qu’on pût trouver tant de
soulas dans les viandes alors que la mort menaçait. Je balançai à en acheter
davantage pour la provision, mais ne le fis, ma sottarde chicheté huguenote
l’emportant, et fort amèrement le regrettai dans les vingt-quatre heures qui
suivirent.
    — Ha !
Giacomi, mon frère, dis-je à voix basse quand je fus rassasié, il nous faut à
la fin nous séparer. Miroul et moi, nous allons être à la fuite, et ce serait
par trop inique que tu partages notre douteuse fortune, étant papiste. Il sera
temps, si Dieu nous fait saufs, que tu te réunisses à nous en Mespech.
    — Monsieur
mon frère, dit Giacomi gravement, mais conservant jusque dans la gravité cet
air allègre qui était le sien, tous ses traits tirant vers le haut, et son œil
brillant et gai, me croyez-vous si bas que de vous abandonner à l’heure des
périls ? Ha que nenni ! Mon épée n’est point si infidèle à mes amis
en détresse, et j’ai, par surcroît, juré à Monsieur votre père de vous garder à
dextre, comme Miroul à senestre. Je m’en vais de présent au Louvre pour mes
assauts. Mais si l’heure sonne de cette déflagration que tout annonce,
convenons, puisque le logis de ce méchant Recroche nous est barré, de nous
rejoindre en la place de Grève.
    Ainsi fut
décidé et enrosant nos faces de larmes, nous nous baillâmes l’un à l’autre une
forte brassée pour ce que nous n’étions pas assurés de nous revoir jamais en ce
monde cruel. Giacomi s’en fut enfin, et je l’envisageai s’éloigner, l’esprit
chagrin, mais toutefois conforté à l’extrême de ce que son cœur demeurât croché
au mien dans le mitan de la tourmente par des grappins d’acier.
    On reprit le
chemin de la rue de Béthisy, Miroul pour me distraire, à ce que je cuide, de
mon souci, me nommant les rues par lesquelles nous passions, connaissant à
merveille cette grande Paris, pour y avoir fureté sans fin tandis que je
courais le Louvre avec mon Quéribus. Cependant, il ne laissa pas, tandis que
nous approchions du logis de l’Amiral, de me presser derechef de prendre mon
congé et de sonner le boute-selle, comme déjà il avait dit. À quoi je ne
répondis miette, n’ayant encore rien résolu.
    À peine
étais-je au logis que l’enseigne Cornaton me dit qu’on me voulait dans sa
chambre où les principaux des chefs protestants s’étaient à nouveau réunis. J’y
fus incontinent et j’ouïs une grande disputation entre M. de Téligny et Jean de
Ferrières, celui-ci arguant avec une véhémence où je ne l’avais jamais vu qu’il
fallait sur l’heure départir, l’émotion populaire, d’une heure à l’autre,
allant nous éclater sus, sans qu’on pût être du tout assuré du secours du roi.
M’apercevant à cet instant de son discours, le vidame de Chartres m’appela à
porter mon témoignage sur ce que j’avais ouï rue de la Ferronnerie au logis de
Maître Recroche, rue Tirechappe, chez Alizon, et rue de la Truanderie, de la
bouche de la chambrière. Ce que je fis.
    — Cependant,
dit le doux et bénin Téligny, il est maintenant avéré que l’arquebusade ne
vient pas de la Cour pour ce que les juges commis pour informer ont arrêté
l’homme qui tenait le cheval tout prêt pour l’assassinateur après son méchant
coup. Et cet homme a avoué qu’il était aux Guise.
    — Malgré
tout, dit mon cousin Geoffroy de Caumont, il se peut qu’il y ait eu plus d’une
main à tremper dans cette meurtrerie. Savez-vous, Téligny, que l’arquebuse
toute fumante que Guerchy a trouvée contre la fenêtre treillissée appartient à
un garde du Duc d’Anjou. Ce garde l’eût-il prêtée sans l’aveu de son
maître ?
    Sur quoi un
long silence tomba.
    — Le Duc
d’Anjou n’est pas

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