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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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leurs
manteaux.
    — Quoi ?
Vos voisins mêmes ?
    — Nos
voisins ? cria-t-elle, haussant le col comme pour raquer ses tripes. Qui
voudrait des serpents pour voisins ? Sais-tu, mon Pierre, ce que j’ai vu
qui m’a fort réjoui, sur les six heures alors que je courais ès rues quérir mon
lait de la laitière qui passe ? Notre cinquantenier marquait à la croix de
charbon blanc de certaines maisons en la rue Tirechappe où vivent ces suppôts,
le dizenier les lui désignant un papier à la main.
    — Cinquantenier,
dizenier ? dis-je pour celer mon effroi. Qu’est cela ? Que veut dire
ce jargon ?
    — Fi
donc ! dit-elle avec un air d’immense piaffe. Ne les avez-vous donc pas en
vos provinces ? Ce sont nos officiers de ville. Les quarteniers commandent
les quartiers dont il y a seize en Paris et dans chaque quartier dix dizains,
et dans chaque dizain, cinquante rues et ruelles, chacune commandée par un
cinquantenier. Ainsi, nous avons nos chefs qui nous rassemblent et commandent,
quand nous prenons les armes.
    — Quoi ?
Sans l’aveu du Roi ?
    — Ha !
dit Alizon en souriant d’un seul côté de la face, il se pourrait que cette
fois-ci on s’en passât, si ce petit reyet de merde s’obstine à soutenir
l’Amiral.
    Je conçus, à
ouïr ceci, de si vives alarmes que craignant qu’elles apparussent sur ma face,
je me mis à rire pour les dissimuler :
    — Mamie,
si tel est le prédicament, d’où vient que le Maître Recroche soit si vaillant,
lui aussi, que de prendre les armes ?
    — Vaillant,
ce chiche-face ? dit Alizon avec un air de profond déprisement, il
n’appète qu’à la picorée ! On ne l’a jamais vu lors du siège là où îl y
avait des coups à prendre ! Et soyez bien assuré, mon Pierre, que si
l’émotion civile éclate ce jour d’hui ou demain, il s’emplira les poches et ne
pourfendra personne, hors peut-être les femmes et les enfants de ces chiens de
huguenots.
    — Quoi ?
criai-je, fort secoué par ce que je venais d’ouïr.
    Et me levant
de sa couche le sourcil haut et la lèvre si frémissante que j’avais peine à
parler (d’autant que la gorge me serrait à faire mal), je balbutiai :
    — Alizon !
Qu’ois-je de ta bouche ? Les femmes ? Les enfants ? Les
tuera-t-on aussi ? N’est-ce pas infâme et impiteux ?
    — Je le
croyais aussi, dit Alizon non sans quelque vergogne, mais le bon curé Maillard
dit que non et qu’il serait cruel, en l’occurrence, de ne pas être inhumain,
pour ce que Dieu même nous a commandé d’extirper une fois pour toutes cette
maudite engeance de la surface de la terre, chiennes et chiots compris.
    — Ha !
Alizon ! criai-je, laissant éclater tout à plein mon indignation, ces
chiennes sont des femmes comme toi, et ces chiots sont tout semblables à ton
petit Henriot, sauf que celui-ci est catholique par l’accident de sa naissance,
et que les autres enfantelets sont nés par hasard huguenots. S’il faut les
occire pour cela, c’est qu’alors le Livre Saint se trompe et qu’Hérode a eu
raison de massacrer les innocents !
    — Mais,
dit Alizon, bien marrie d’avoir allumé en moi tant de courroux et de chagrin
par un propos que sans nul doute elle répétait à la quotidienne comme tous ceux
de son voisinage et sans même y songer. Mais mon Pierre, si nous ne les tuons
pas, c’est eux qui nous tueront !
    — Et
comment le pourraient-ils, sotte caillette, étant si peu nombreux ? Le Roi
au surplus contre eux, et les régiments du Roi ! Et le plus gros du
peuple !
    — Mais
que font-ils eux-mêmes de nos enfantelets, sinon les occire en vos provinces,
quand ils sont les plus forts ?
    — Ha !
Alizon ! dis-je, encore qu’il se peut bien qu’une bête féroce comme le
Baron des Adrets ait commis ces horreurs, je ne les crois en aucune sorte
générales, pour ce que j’ai vu de ces yeux que voilà la Michelade à
Nismes, et encore qu’on y ait versé cruellement bien du sang catholique, on y a
épargné au moins celui des femmes et des enfants !
    — Quoi,
dit Alizon comme indignée, mon Pierre, te voilà défendant ces méchants
hérétiques !
    — J’ai de
bonnes raisons pour cela ! criai-je, ma colère flambant tout soudain au
plus haut et m’emportant hors de cette raison. Je te l’ai celé jusque-là,
Alizon, pour ne point incommoder ton zèle, mais sache-le : je suis un de
ces chiens dont tu parles et tu eusses dû t’en apercevoir, ajoutai-je avec
irrision, à me voir

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