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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aussi le quartier Saint-Denis. Ensuite vient la
partie où nous sommes qui est une île, laquelle est dite, comme vous savez,
l’île de la Cité.
    — Et la
partie senestre ?
    — On la
nomme l’Université pour ce que les écoliers y étudient, rossent le guet assis,
malmènent les moines Saint-Germain, cornufient les bourgeois, et y commettent
mille autres méchancetés que je ne saurais décrire.
    Cependant,
Aymotin dit cela sans la sévère morosité qu’on eût attendue de sa robe, mais
l’œil luisant et le souris ravi.
    — D’aucuns,
dit-il, appellent aussi l’Université le quartier de Hulepoix, comme on dit le
quartier Saint-Denis pour la Ville.
    — Hulepoix !
dis-je, quel bizarre nom ! Hulepoix ! Cependant, je l’aime
assez ! Mais comment se nomment les deux petites îles tant vertes et tant
jolies que je vois devant la Cité et qui sont comme l’une à l’autre
parallèles ?
    — La
dextre est dite l’île du patriarche et la senestre, l’île du passeur des
vaches. Le Roi, à qui elles appartiennent, a eu le projet de les souder l’une à
l’autre et les deux ensemble à l’île de la Cité pour les vendre à des bâtisseurs,
mais faute de pécunes, ce projet-là mourut. Derrière vous, Monsieur, il est
trois autres îles que vous ne pouvez voir, Notre-Dame vous les cachant, et que
le Roi voulait pareillement liaisonner en une seule : l’île Notre-Dame,
l’île aux vaches et l’île Louvier, mais ce beau projet-là est tombé lui aussi
en l’eau sale de Seine.
    — Y
a-t-il des vaches en l’île aux vaches ?
    — Certes,
et qui se gardent seules, ce qui est grande épargne de berger et de bourse.
    — Ha,
dis-je, ne sachant où et quoi envisager tant je voyais devant moi de
merveilles, que de gens en cette immense ville !
    — Trois
cent mille.
    — Que de
rues !
    — Quatre
cent treize.
    — Quoi !
Les a-t-on comptées ?
    — Certes !
dit Aymotin, la crête aussi haut dressée que si elles lui eussent toutes appartenu.
Oyez plutôt ces vers que j’ai appris en mes écoles :
     
    Dedans la
Cité de Paris,
    Il y a des
rues trente-six ;
    Et au
quartier de Hulepoix,
    Il y en a
quatre-vingt-trois ;
    Et au
quartier de Saint-Denis,
    Trois cents
il n’en faut que six.
    Comptez-les
bien tout à votre aise
    Quatre
cents il y a, et treize.
     
    — Quatre
cent treize rues ! m’écriai-je. Comment y jamais trouver quelqu’un dont
sachant le nom, on ne sait pas où il loge ?
    À cela
Aymotin, m’envisageant curieusement, me demanda si j’étais dans ce cas que je
venais de dire, et moi, ne voulant point lui parler de mon Angelina, dont le
pensement allait me désespérant, la sachant si proche et pourtant si
introuvable, je lui dis que je cherchais un mien ami, lequel était comme moi
médecin de l’École de Montpellier (à quoi je le vis quelque peu tressaillir,
combien qu’il parût toujours sur ses gardes, l’œil, quoique fort gai, épiant et
un suave et perpétuel souris posé comme un masque sur sa jolie face).
    — Il se
nomme, dis-je, Fogacer, et combien que sa complexion et la mienne soient à
l’opposé, Fogacer s’intéressant peu au cotillon et moi le courant comme fol,
nous tolérons si bien entre nous ces petites différences que nous sommes
devenus grands amis. Le connaissez-vous ?
    — Nullement,
dit Aymotin promptement, la paupière baissée, et me tournant l’épaule.
    — Aymotin,
dis-je non sans quelque chaleur, si vous le connaissiez, il serait pendable de
ne point me dire où il gîte, tant j’ai appétit à le voir.
    Se tournant et
m’envisageant alors œil à œil, Aymotin vint à moi, et me parla plus gravement
que je n’eusse attendu ni de son âge, ni des folâtres dispositions qu’il avait
jusque-là montrées.
    — Monsieur,
dit-il, je suis, étant clerc et de par mon état, discret. Et davantage le
suis-je de ma complexion – celle-ci étant celle où vous me voyez. Ma
mémoire est donc une tombe devenue. Une face, un nom, une adresse, tout y choit
et tout s’y enfouit. Et rien ne me ramentois jamais de ce qui pourrait un autre
incriminer.
    Ayant réfléchi
à cette émerveillable déclaration, je m’y renforçais dans la persuasion
qu’Aymotin faisait partie de cette grande confrérie dont les membres, dans le
grand appétit qu’ils ont les uns des autres, abolissent entre eux toute
différence de rang, de richesse, de savoir ou de religion, et vivent dans cette
égalité leurs passions périlleuses,

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