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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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œil noir cependant jetant flammes et feux, que
Recroche mit les deux mains derrière le dos et dit :
    — Qu’est
cela ? Un pourpoint ? Façonne-t-on des pourpoints céans ?
    — Rien
qu’une reprisure, dit Alizon, et la voilà finie ! Monsieur de Siorac,
voici votre vêture !
    — Quoi !
cria Recroche, passant son index dextre sur son bec de vautour, on laboure pour
un autre en mon atelier ! Et pendant le temps qui m’est dû ! C’est
félonie ! Et tout au rebours des règles des maîtres et des jurés !
    — Ha !
les bonnes règles ! cria Alizon, et comme on voit bien que c’est vos
compères et vous qui les avez faites !
    — Maître
Recroche, dis-je, c’est moi qui ai requis d’Alizon cette reprisure. Et puisqu’elle
l’a faite en votre atelier, usant du temps qui est à vous...
    — Et de
mon fil, et de mon aiguille, dit Recroche.
    — Et des
ciseaux, dit Alizon, très à la vinaigre.
    — Je vous
la paierai.
    — Ce sera
deux sols, dit Maître Recroche du ton le plus modeste et la paupière baissée.
    — Quoi !
dit Alizon, plus vrombissante qu’abeille, quoi ! Deux sols pour dix
minutes de mon labour, quand vous me payez trois sols dix deniers pour tout un
jour !
    — Sotte
caillette ! cria Maître Recroche avec un déprisement infini, le prix de
ton labour et le prix de ma façon ne sauraient être les mêmes. Sans cela, où
serait le profit ? C’est que c’est là, dit-il, en me prenant le pourpoint
des mains, une exquise reprisurette, exécutée en pointiscules, rarissime
chef-d’œuvrissime de mon atelier...
    — Ha !
Maître Recroche, dis-je mi-riant mi-courroucé, en lui reprenant ma vêture, ne
jasez pas plus outre ! Vous allez augmenter mes deux sols ! Plus un
mot ! les voici, ces petitets soliscules ! Et la merci à vous pour le
fil, l’aiguille, les ciseaux, l’escabelle et l’émerveillable adresse d’Alizon.
    À quoi Alizon
s’esbouffa, et Baragran lui-même sourit, tout anxieux qu’il fût de rester dans
les bonnes grâces du maître pour non point être remplacé par une garce à trois
sols dix deniers.
    — Allons !
Au labour ! dit Recroche dont l’humeur avait molli depuis que mes deux
sols lui réchauffaient le gousset. Monsieur de Siorac, dit-il tandis que je
mettais mon pourpoint, ne cuidez point que tout soit profit en mon état. J’ai
attendu, moi, Recroche, trois grosses et solides heures en l’antichambre de la
Baronne des Tourelles pour lui livrer les bonnets qu’elle m’avait commandés
sans faute pour la pique du jour. Trois heurissimes ! La Baronne
dormait ! Vous avez bien ouï ! Elle dormait ! Et à s’teure dort encore,
je gage !
    À ce moment,
on toqua à l’huis. Coquillon, sur un signe du maître, courut ouvrir et un
insolent faquin de valet, se paonnant dans une livrée amarante avec des rabats
or, apparut, lequel, le ton fort hautain et le geste précieux, demanda si le
Maître Recroche était là.
    — Il y
est, dit Recroche, lui-même aussi aimable que les bandes de fer qui aspaient sa
porte.
    — Ma
maîtresse, dit le valet, la crête haut dressée, et reniflant avec hauteur, ma
maîtresse la Baronne des Tourelles désire vous visiter céans.
    — Elle
sera la bienvenue, dit Recroche sur le ton le plus bref. Après quoi, les mains
derrière le dos, il affecta d’envisager le plafond, souffrant mal, à ce que je
vis, les manières de ce superbe valet, lequel, nous envisageant l’un après l’autre
comme si nous eussions été des petits tas de bren sur le bord d’un chemin,
renifla l’air derechef, comme s’il eût été marri que nous l’eussions corrompu
de nos souffles.
    — Je
vais, dit-il du bout des lèvres et portant sa tête comme un Saint-Sacrement, le
dire à ma maîtresse.
    Et il s’en
fut. À juger la maîtresse par le serviteur, j’augurai fort mal de la Baronne et
déjà je la voyais sous les traits d’une fort peu amène gorgone. Ha !
lecteur ! Quelle erreur ! D’yeux je n’eus pas assez pour la dévorer
quand elle entra, fort étincelante dans sa vertugade de satin vert pâle,
imitée, comme me l’apprit ensuite Alizon, de celles de la Princesse Margot,
lesquelles passaient en volume les plus amples cotillons du royaume, les
élégantes qui les portaient pouvant à peine franchir les portes. Au-dessus de
ce somptueux évasement, sa taille était fort comprimée par une basquine qui, la
serrant en son dur corselet, allait s’élargissant en entonnoir aux épaules

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