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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’eux pour attiser la jalousie de
Charles IX et le plier à ses desseins.
    Ces deux-là n’étaient que des marionnettes. Henri d’Anjou se
parait comme une femme. Couvert de rubans, de fanfreluches, de bagues, de
colliers et de boucles, il se faisait friser les cheveux et poudrer à toute
heure, changeait de vêtements plusieurs fois par jour. Homme ou femme, on ne
savait trop de quel sexe il était, mais tourbillonnaient autour de lui des
mignons qu’il déclarait aimer et qui lui étaient dévoués corps et âme.
    François d’Alençon, l’autre fils, tentait de s’imposer entre
ses deux aînés, prêt pour cela à pactiser avec le diable, les huguenots, les
Anglais, et même – Sarmiento avait souri – les Espagnols !
    Quant à Marguerite, elle se serrait la taille afin de
paraître plus désirable, et couvrait son visage de tant de fards, de crèmes et
d’onguents qu’on ne savait plus au juste ce qu’étaient ses traits.
    — Voilà la cour de France, avait dit Sarmiento en
appuyant la main sur mon épaule. Si nous n’y prenons garde, les huguenots
attacheront tous ces princes futiles, ces reines corrompues au banc de leur
chiourme, comme les Barbaresques l’ont fait avec tant de chrétiens. Nous avons
vu, nous autres, ce que l’on peut obtenir des hommes…
    Sarmiento savait que je gardais dans ma chair et ma mémoire
les cicatrices de ma servitude.
    J’avais baissé la tête.
    J’étais avec lui.
    — Nous ne pouvons compter que sur la famille des
Guises, avait poursuivi Sarmiento. Ceux-là sont aussi avides que les huguenots.
Mais ils sont à nous. Entre eux et les hérétiques, entre Henri de Guise, le
Balafré, et l’amiral de Coligny, il n’y a pas de paix possible. Le royaume de
France est fendu comme un billot peut l’être d’un coup de hache.
     
    Seigneur ! Diego de Sarmiento ne croyait pas si bien
dire !

 
4.
    Ce coup de hache qui partagerait la France, j’ai vu Diego de
Sarmiento encourager, commander, payer ceux qui pouvaient le donner.
    Lorsque je traversais la cour de l’hôtel d’Espagne, je
l’apercevais souvent en conciliabules avec des hommes enveloppés d’amples manteaux,
le visage dissimulé par des chapeaux aux rebords rabattus sur les yeux. Leurs
mains gantées ne lâchaient jamais le pommeau de leur épée ou de leur dague, et
si, à mon approche, ils se retournaient brusquement, entrouvrant ainsi leurs
manteaux, j’y devinais les crosses de leurs pistolets ou le canon de leur
arquebuse.
    En me voyant, Diego de Sarmiento s’interrompait, hésitait
puis m’invitait à le rejoindre. La curiosité ou la soumission l’emportaient
chez moi sur la crainte et la répulsion.
     
    Je me faufilais entre ces hommes, jusqu’à Sarmiento. Ils
s’écartaient comme à regret, me dévisageaient sans que je pusse croiser leur
propre regard.
    Peut-être savaient-ils que j’étais le frère de Guillaume de
Thorenc, compagnon de l’amiral de Coligny, ancien ambassadeur du roi
Charles IX auprès du sultan, Guillaume de Thorenc l’hérétique ? Il
aurait suffi d’un geste de Sarmiento pour qu’ils me poignardent, m’égorgent,
tuant le catholique pour mieux blesser le huguenot.
    Je les en sentais capables, car rien dans leur attitude ne
suggérait qu’ils fussent gentilshommes de duel, de guerre franche et réglée.
    Ils étaient gens de guet-apens et d’assassinat.
    Je les ai appelés les « hommes sombres » et
Sarmiento me disait qu’ils appartenaient pour la plupart aux Guises, à Henri le
Balafré et à son frère Louis, cardinal de Lorraine, qu’obsédaient la soif de
pouvoir et la volonté de se venger de Coligny qu’ils accusaient d’avoir ordonné
le meurtre de leur père, François, duc de Guise.
    — Ces hommes sont à moi aussi, avait ajouté Diego de
Sarmiento. Je les paie. Ils sont fidèles à celui qui leur donne des ducats. Et
comme ils savent que je paie aussi Henri et Louis de Guise… Je suis leur vrai
maître !
    Peu à peu, au fil des jours, j’ai appris leurs noms. Diego
de Sarmiento les énonçait comme un chasseur appelle ses chiens.
    Il y avait Maurevert, qui avait tué pour le roi, pour
Catherine de Médicis, pour Henri de Guise. C’était un homme grand et maigre,
qui marchait voûté comme s’il avait cherché à se dissimuler, alors qu’on ne
pouvait que remarquer sa silhouette courbée, la tête rentrée dans les épaules,
avançant les jambes à demi ployées – jamais l’expression « pas de
loup » ne

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