Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
foule
vers une maison située sur le pont Notre-Dame et, peu après, des flammes en ont
jailli, se sont élevées le long de la façade.
    La foule hurlait et je voyais, dans les ruelles qui
débouchent sur le quai, des boutiquiers fermer leurs volets cependant que la
foule se répandait, brisant les portes, pillant, et peu lui importait que ce
fût logis ou échoppe de catholique ou de protestant !
    Il fallait du saccage et du vol pour satisfaire la horde.
    Je suis revenu sur mes pas, attiré par l’incendie qui éclairait
le pont, cependant que la foule commençait à se disperser.
    Le prévôt des marchands était arrivé sur les lieux. Sa
troupe avait tiré une arquebusade et s’était saisie de quelques émeutiers.
    L’un d’eux, que je voyais gesticuler, était traîné vers une
poterne. On lui passa la corde autour du cou. On la lança jusqu’à une poulie et
l’on tira l’homme qui se trémoussa encore, puis, après quelques spasmes, se
raidit.
    Et le silence revint sur le pont Notre-Dame. La foule avait
disparu.
     
    Tout à coup, la porte de la maison qu’on avait tenté
d’incendier s’ouvrit. Quelques hommes armés d’arquebuses et de pistolets en
sortirent. Ils arboraient l’accoutrement noir des huguenots.
    Ils s’immobilisèrent en me voyant seul au milieu du pont, et
l’un d’eux me visa.
    Je ne bougeai pas.
    Je venais d’apercevoir dans la pénombre de l’entrée une
silhouette de femme, et l’émotion m’étreignit. J’avais reconnu ses cheveux
blonds dénoués, ses traits, maintenant, dans la clarté du jour.
    — Éloigne-toi ! me cria l’homme. Qui que tu sois,
passe ton chemin ou je te renvoie en enfer !
    La jeune femme avait fait quelques pas, entourée par ses
gardes.
    Elle m’apparaissait plus belle encore que celle que j’avais
vue pour la première fois à quelques rues d’ici, dans l’hôtel de Ponthieu, en
compagnie de son frère Robert de Buisson, ce corsaire de La Rochelle qui
m’avait permis de fuir du bagne d’Alger.
    Je me souvenais de cet instant où, lors du funeste tournoi
qui vit une lance crever la tête du roi Henri II, Anne de Buisson s’était
évanouie, et où je l’avais tenue contre moi.
    Je l’avais reconduite jusqu’à cette demeure, au coin de la
rue de l’Arbre-Sec et de la rue de Béthisy, à cet hôtel de Ponthieu où logeait
l’amiral de Coligny et où se rassemblaient aujourd’hui les huguenots de sa
secte.
    Puis, des années plus tard, en Espagne, alors qu’elle était
l’une des suivantes d’Élisabeth de Valois, je lui avais conseillé de quitter ce
pays, car sa maîtresse, toute épouse de Henri II qu’elle fût, n’aurait pu
la protéger de la haine que l’on vouait là aux hérétiques.
    « Partez, partez ! » l’avais-je exhortée.
    Peut-être lui avais-je ainsi sauvé la vie.
     
    Et je la retrouvais non plus dans la robe bleu ciel dont je
me souvenais comme si je ne l’avais jamais vue vêtue qu’ainsi, enveloppée d’une
couleur légère qui rehaussait encore la blondeur de ses cheveux, mais serrée de
noir comme ses gardes.
    J’ai incliné la tête et reculé d’un pas en m’appuyant à la
balustrade du pont.
    Anne de Buisson, levant la main, la posa sur le canon de
l’arquebuse, pesant sur lui, obligeant l’homme à abaisser son arme.
    Puis elle s’avança vers moi et il me sembla qu’elle était
comme autrefois entourée d’un halo clair, bleu et blond.

 
5.
    J’ai aimé Anne de Buisson.
    Et ce fut Votre grâce, Seigneur de me donner, par ces temps sombres,
en cette époque de sang et de cruauté, le privilège de ne pas connaître que la
haine et le désir de tuer.
     
    À voir Anne de Buisson chez elle, dans cette maison du pont
Notre-Dame, il me semblait que Vous aviez voulu, en la plaçant une nouvelle fois
sur ma route, me rappeler qu’à quelque religion qu’ils appartiennent l’homme et
la femme sont d’abord Vos créatures, et que, même lorsque la tromperie d’une
hérésie les aveugle et les fait serviteurs du diable, ils restent Vos enfants.
    Voilà ce que je pensais quand, debout près du fauteuil dans
lequel s’était assise Anne de Buisson, je voyais sa nuque sous les fils d’or de
ses cheveux, et l’arrondi de ses épaules.
    Peu m’importait alors qu’elle lût pour moi, comme si elle
avait voulu me convertir à la religion de sa secte, des versets de la Bible, ou
bien qu’elle me chuchotât que, suivante de Catherine de Médicis, elle savait
que la reine mère

Weitere Kostenlose Bücher