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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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puis est venu si vite
l’automne…
     
    La pluie était si forte qu’elle déchirait avec rage les
feuilles déjà jaunies des arbres de la forêt de Fontainebleau où je chevauchais
près du roi, chassant le cerf.
    Nous avancions au pas, courbés sous l’averse, Henri lançant
vers moi de brefs coups d’œil, et je le sentais las, subissant cet orage avec
une sorte de délectation morose, comme si le désagrément venait conforter son
humeur. Il s’est arrêté, s’est tourné et a murmuré :
    — Bon Dieu, parmi quels tigres vivons-nous !
    Terraccini m’avait rapporté qu’autour du souverain on
conspirait contre Gabrielle d’Estrées, qu’il songeait à épouser.
    Enguerrand de Mons s’indignait qu’une telle pensée pût
habiter un roi de France. Jamais un souverain de ce royaume n’avait épousé
l’une de ses catins, qui, de plus, le trompait et donnait des bâtards qui
n’étaient pas ceux de son auguste amant !
    On répétait un quatrain qu’on retrouvait parfois recopié et
répandu à la cour :
     
    Mariez-vous,
de par Dieu, Sire !
    Votre lignage
est bien certain
    Car un peu de
plomb et de cire
    Légitime un
fils de putain.
     
    D’autres s’indignaient que le roi eût offert à la
« duchesse d’Ordure » la bague qu’il avait reçue au sacre, et qu’il
lui fût soumis au point qu’elle proclamait partout que « seul Dieu et la
mort du roi peuvent m’empêcher d’être reine de France ».
    — Elle oublie qu’elle est, elle aussi, mortelle, ajouta
Terraccini.
    Et, parlant plus bas encore, il me confia que, dans
l’entourage du roi – peut-être même pour obéir à ses ordres –, on
songeait, prétendait-on, à empoisonner Gabrielle d’Estrées afin que Henri pût
prendre, maintenant que son mariage avec la reine Margot avait été annulé, une
jeune épouse capable de lui donner un héritier.
    Mais le roi était-il encore assez vert ?
     
    Je l’ai vu, en cet automne de l’année 1598, vieilli et comme
accablé lorsqu’il apprenait que l’on avait arrêté un homme qui semblait le
guetter pour le tuer.
    — Le cœur des rois est en la main de Dieu,
murmurait-il.
    Puis il s’indignait contre ceux qui armaient ainsi les bras
des fanatiques. Il s’en prenait à ces « tigres » qui n’avaient pas
renoncé à la haine.
    — Un roi n’est responsable que devant Dieu et sa seule
conscience, disait-il encore.
    Il baissait la tête, frissonnait. La « voisine »,
cette fièvre qui le brûlait souvent la nuit, lui avait rendu visite.
    Il confessait :
    — Elle m’a laissé si faible, et avec un tel dégoûtement
que je ne m’en puis encore ravoir, et la nuit passée je l’ai eue avec tant
d’inquiétude que je n’ai pu fermer l’œil.
    On murmurait à la cour que le roi avait été trop goinfre de
femmes et qu’il payait d’avoir joui de toutes les pucelles et de toutes les
putains qu’il avait pu culbuter. Qu’elles lui avaient laissé, en souvenir
d’elles, cette maladie qui lui rongeait les sangs.
    Il avait même, disait-on, quitté la vie pendant deux heures,
et, lorsqu’il avait repris connaissance, il avait dit :
    — Je ne veux ouïr parler d’aucune affaire.
     
    Je sentais que la mort était là, qui rôdait. Elle frôlait le
vieil homme que j’étais devenu, elle guettait Gabrielle d’Estrées, elle suivait
le roi.
    J’entendais Enguerrand de Mons marmonner que cet édit de
Nantes que le souverain avait fait enregistrer au parlement était trop
favorable aux huguenots, que des clauses secrètes leur accordaient armes,
rentes, garanties, qu’ils constituaient un État dans l’État, que les
catholiques, comme l’avait déclaré le souverain pontife, étaient crucifiés par
cet édit au point que certains d’entre eux se demandaient s’il ne faudrait pas
un jour une nouvelle Saint-Barthélemy !
     
    Oui, Seigneur, j’ai entendu cela.
    Les hommes avaient donc repris leur travail de fossoyeurs.
    Et je n’avais plus assez de forces pour m’en indigner, trop
longue avait été ma vie.
    J’avais assisté à trop de massacres pour pouvoir attendre,
impotent, qu’un autre flot de sang se répandît autour de moi.
    J’ai donc fait mes adieux au roi là où avait commencé ma
vie, au Castellaras de la Tour.
     
    Le 7 janvier 1599, soixante et douzième anniversaire de
ma naissance, Vico Montanari, qui se rendait à Venise, venant de Madrid, a fait
halte dans notre demeure.
    Il m’a annoncé la mort – le

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