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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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grand-père me l’a
appris. »
    — C’est un homme de feintes, ajoutait Enguerrand. Je
crains qu’il ne soit l’un de ces athéistes qui remuent les lèvres pour donner
le change, mais ne prient pas.
     
    Je doutais aussi, à part moi, Seigneur, de ce souverain qui
changeait une sixième fois de religion, et, même si je m’en félicitais, je ne
croyais pas que l’on pût parvenir à la paix par le mensonge ou l’indifférence.
    Vico Montanari, auquel je m’ouvris de mes doutes, se moqua
de ma naïveté.
    — Chacun, me dit-il, fait commerce de religion comme un
marchand qui troque du drap contre des épices, de la soie contre des
arquebuses, et chacun pèse au trébuchet de son intérêt. Dieu ne Se soucie pas
de ce commerce-là. Il voit au cœur de chaque homme le diamant de sa foi. Il
sait si c’est pierre précieuse ou morceau de verre teinté, ou, pis encore,
simple caillou peint et façonné comme une émeraude…
    Montanari me prit par le bras, m’entraîna jusqu’à cette
fenêtre de l’hôtel de Venise d’où nous avions vu, en ce jour sanglant de la
Saint-Barthélemy, les massacreurs rassemblés devant la poterne, rue des
Fossés-Saint-Germain, et réclamer qu’on leur livrât Anne de Buisson.
    Pour échapper à la mort, elle avait dû s’agenouiller dans la
cour et se convertir.
    Montanari rappela ce moment et nous retournâmes nous asseoir
dans cette pièce du premier étage de l’hôtel de Venise où, presque chaque soir,
nous devisions.
    Depuis l’entrée du roi dans Paris, je logeais chez
Montanari, loin des intrigues, des habiletés et des jalousies qui divisaient
déjà les proches du monarque maintenant qu’il était le souverain légitime, le
puissant roi Très Chrétien. Chrétien ?
    Je m’interrogeais encore.
     
    Montanari recevait à l’hôtel de Venise les libelles que les
ligueurs entêtés continuaient d’imprimer et qui fustigeaient le roi.
    Ils voulaient que Montanari fasse savoir en Italie que la
Ligue survivait, qu’on s’indignait de « la risée qu’a faite le roi en
l’église de Saint-Denis », de la « fourberie de cet athéiste ».
    Qui pouvait croire à la sincérité de sa conversion ?
    Suffisait-il de s’agenouiller devant un autel pour cesser
d’être hérétique ?
    Oubliait-on que ce Béarnais était un relaps, changeant de
religion plus souvent que de pourpoint et de chausses ?
    Ces ligueurs qui restaient fidèles à leur foi, alors que la
plupart arborait l’écharpe blanche du ralliement au roi en échange de rentes et
de terres, je ne pouvais m’empêcher d’avoir de l’estime pour eux.
    Je comprenais leur amertume vis-à-vis de ceux qu’ils
appelaient des « Maheustres », ces chefs de la Ligue, ces
gentilshommes qui se vendaient au roi.
    Mais je devais m’en féliciter, puisque ainsi revenait la
paix.
    Néanmoins, pouvait-on, Seigneur, bâtir une demeure sur le
mensonge des uns et des autres, depuis celui qui achetait les consciences
jusqu’à ceux qui en faisaient commerce ?
     
    La voix des ligueurs obstinés, notamment de ceux qui
écrivirent le Dialogue du Maheustre et du Manant, m’était familière,
même si je savais à quelles folies elle pouvait conduire.
    J’étais ainsi, Seigneur : divisé.
    Ceux qui Vous portaient un amour absolu, je les aimais,
certes, mais je les avais vus à l’œuvre, emportés par la passion d’extirper
tout ce qui ne leur ressemblait pas. Je me défiais de ces fanatiques, mais
lisais avec passion leurs phrases.
    « Les vrais héritiers de la couronne, écrivaient-ils,
ce sont ceux qui sont dignes de porter le caractère de Dieu. S’il plaît à Dieu
de nous donner un roi de nation française, son nom soit béni ; si
allemand, son nom soit béni ; si espagnol, son nom soit béni ; si de
Lorraine, son nom soit béni. De quelque nation qu’il soit, étant catholique et
rempli de piété et justice comme venant de la main de Dieu, cela nous est
indifférent. Nous n’affectons pas la nation, mais la religion. »
    Montanari lisait à son tour et s’emportait contre mon
aveuglement : comment pouvais-je à nouveau, après ce que nous avions vu et
vécu, écouter la voix des fanatiques ?
    — Celui qui veut entendre la seule voix de Dieu,
disait-il, doit se retirer dans une cellule de moine et prier le Seigneur, mais
ne pas se mêler des affaires des hommes, des royaumes ou des républiques
terrestres. Ici je te l’ai dit, Thorenc, la religion est un commerce parmi tous
les

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