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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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revive.
    C’est Terraccini qui m’a annoncé les bonnes nouvelles de ce
printemps lumineux.
    Les négociations avec l’Espagne avaient commencé, et chaque
souverain était désireux de conclure la paix.
    — Trop de morts sans aucune chance de vaincre l’autre,
a-t-il dit. Philippe II espérera toujours qu’un régicide le débarrasse de
ce roi Henri qui demeure pour lui un hérétique, mais il ne peut plus faire la
guerre. Les caisses de l’Espagne sont vides. Tout comme celles du royaume de
France. Le souverain a dû demander l’aumône au parlement pour payer des
soldats, acheter des arquebuses. Il n’a plus un écu. La sagesse et le désir de
paix viennent souvent aux monarques quand ils n’ont plus un sol vaillant.
    C’est aussi Terraccini qui m’a parlé de cet édit que le roi
s’apprêtait à signer à Nantes au terme de longues conversations avec les
huguenots. Il leur assurait le droit de pratiquer leur religion, et il
s’engageait même à payer les garnisons des places fortes qu’il leur concédait.
    Les plus zélés des catholiques condamnaient ce texte qui
accordait beaucoup aux huguenots : ils conservaient une armée ; ils
accédaient aux charges publiques ; ils jouissaient naturellement de la
liberté de conscience.
    Le pape Clément VIII avait déjà dit : « Cet
édit est le plus mauvais qui se peut imaginer. Il me crucifie. »
    Mais les plus obstinés des huguenots étaient eux aussi
mécontents. Ils étaient certes reconnus, mais le royaume était catholique, et
le souverain offrait des compensations, en charge et en écus, en terres et en
rentes, à ceux des protestants qui acceptaient de se convertir.
    — C’est un édit de paix, a conclu Terraccini.
    Puis il a haussé les épaules, penché un peu la tête.
    — Une paix de plus…, a-t-il corrigé.
     
    On disait que quatre millions de personnes étaient mortes de
ces paix tronquées, reniées, de ces guerres civiles que l’on nommait de Religion,
de ces massacres, et je me souvenais du sang coulant sur les pavés de la rue
des Fossés-Saint-Germain en ce dimanche de la Saint-Barthélemy, le 24 août
1572. J’ai donc applaudi à l’édit de Nantes.
     
    J’ai retrouvé le roi à son retour à Paris, quand il
s’efforçait de convaincre le parlement, réticent, de ratifier cet édit.
    — Il ne faut plus faire de distinction de catholiques
et de huguenots, disait-il, mais il faut que tous soient bons Français et que
les catholiques convertissent les huguenots par exemple de bonne vie.
    Il s’emportait et je l’approuvais quand il ajoutait :
    — Je couperai la racine à toutes factions, à toutes
prédications séditieuses, et je ferai raccourcir tous ceux qui les
susciteront ! Ne m’alléguez point la religion catholique, je suis plus
catholique que vous ! Je suis fils aîné de l’Église… Je suis roi,
maintenant, et parle en roi, et veux être obéi… Ceux qui ne voudraient pas que
mon édit passe veulent la guerre…
     
    L’édit a été enregistré.
    J’ai lu le texte du roi qui le présentait et j’en ai été
ému.
    Son ton sonnait juste et fort.
    « Nous touchons maintenant le port de salut et repos de
cet État… Après avoir repris les cahiers des plaintes de nos sujets
catholiques, ayant aussi permis à nos dits sujets de ladite Religion Prétendue
Réformée de s’assembler par députés pour dresser les leurs et mettre ensemble
toutes leurs dites remontrances, nous avons jugé nécessaire de donner
maintenant sur le tout, à tous nos dits sujets, une loi générale, claire, nette
et absolue, par laquelle ils soient réglés sur tous les différends qui sont
ci-devant survenus entre eux et y pourront encore survenir ci-après, et dont
les uns et les autres aient sujet de se contenter selon que la qualité du temps
le peut porter. »
    J’ai su que l’édit avait été scellé seulement à la cire
brune, que le roi n’avait point voulu de la verte qui eût marqué que le texte
devait connaître une application sans limite de durée, éternelle.
    Il n’était donc que pour un temps.
    Mais c’était une promesse de paix.
    Et j’ai cru, Seigneur, que la fosse commune que les hommes
creusaient sous leurs propres pieds, dans laquelle ils s’engloutissaient,
allait être comblée.
    J’ai même imaginé que Vous me donniez la joie d’assister, à
la fin de ma vie, à cette aube pacifique, parce que je Vous avais donné un fils
pour Vous servir.
    J’ai cru cela quelques jours,

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