Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial
célébration publique d’une si chère mémoire. – Le génie a le droit de ne faire qu’un stage très bref dans le repos commun. – Ici la gloire était mûre, dès la mort ; et, tout de suite, cette radieuse figure peut renaître, par le marbre, dans le jardin du Luxembourg, cimetière, sans dépouille et léger, des Poètes. – Un monument, que surmonte le buste par Niederhausern, confié pour l’ensemble au sculpteur, va se dresser bientôt. – Appel est fait à votre souscription, et la présente lettre contient d’avance notre remercîment. – Le président , STÉPHANE MALLARMÉ ; le vice-président , A. RODIN. »
À la deuxième réunion, tenue au siège du Comité, le 14 décembre, furent décidées : la célébration d’une messe-anniversaire, et l’ouverture de la souscription publique.
Dans les premiers jours de janvier 1897, cette lettre fut envoyée : « La famille et les amis de PAUL VERLAINE vous prient d’assister à la Messe-Anniversaire qui sera célébrée, pour le repos de son âme, le 15 janvier 1897, en l’église Sainte-Clotilde, chapelle de la Sainte-Vierge, à dix heures précises, par M. l’abbé A. Mugnier, premier vicaire . – À l’issue de la cérémonie, une couronne sera portée sur la tombe du Poète, au cimetière des Batignolles. »
Cinq à six cents personnes se réunirent, le 15 janvier, à l’église Sainte-Clotilde. Il y avait là : Stéphane Mallarmé, Edmond Lepelletier, Auguste Rodin, Léon Dierx, J.-K. Huysmans, Fernand Clerget, Madeleine Lépine, F.-A. Cazals, Léon Deschamps, Alfred Vallette, Rachilde, Georges Rodenbach, Hérold, Charles Fuinel, Alexandre Natanson, Clément Rochel, Ernest Delahaye, Georges Verlaine, fils du poète ; Charles de Sivry, son ancien beau-frère ; Paul Tissier, Henri de Régnier, Francis Vielé-Griffin, Pierre Quillard, Gustave Kahn, Jean Lorrain, comte de Montesquiou, Jules Rais, Raoul Ponchon, Toulouse-Lautrec, Paul Fort, Édouard Jacquemin, Niederhausern, Saint-Georges de Bouhélier, Maurice Le Blond, Eugène Montfort, et d’autres dont les noms ont été inscrits sur un registre.
Après la messe, dite par l’abbé Mugnier à l’autel de la Vierge, l’assistance se dirigea, par groupes séparés, vers le cimetière des Batignolles. À midi, tous entouraient le tombeau de la famille Verlaine, qui fut couvert de fleurs et de couronnes. Et dans le religieux silence, plusieurs parlèrent.
Ernest Raynaud, Maurice du Plessys, Louis le Dauphin, dirent des vers à celui dont l’image restait visible à tous. Puis, Lepelletier excusa l’absence de François Coppée, et dit : « Verlaine, malade, isolé, frappé, aigri, désespéré, hanté, pour la seule fois peut-être, de la pensée du suicide, m’avait chargé de défendre sa mémoire. Ce mandat, que je garde toujours, n’a plus besoin d’être exercé. L’apaisement s’est fait : Verlaine est entré dans la sérénité de la gloire et dans la paix de l’immortalité. »
Paul Tissier, pour l’Association des Étudiants, ajoute : « Verlaine a vécu parmi nous toutes ses dernières années. Nous nous attachions à lui dans ces jours de tristesse où la souffrance et le malheur le ramenaient à l’hôpital ; nous nous souvenons des longues causeries du soir dans les couloirs de Broussais avec l’interne de garde. C’est au milieu de ces épreuves que se révélaient pleinement sa bonté et sa gaieté inaltérables. »
Stéphane Mallarmé prononça cette allocution : « Nous savons Verlaine souriant de partager l’immortalité des grands poètes de la France, par exemple, entre La Fontaine et Lamartine. La montée lumineuse n’a pas duré un an. L’outrage même ne manqua, il importe à un plus rapide dépouillement du malheur inhérent au génie ; – ayons un regret, seulement, pour ceux qui s’attribuent cette fonction. Avant que la chère Ombre se sépare d’ici pour un Jardin moins sévère, écoutons, tendrement, des paroles amies tout à l’heure l’entretenir comme d’hier ; ainsi s’effarouchera-t-elle peu elle-même, de nous suivre vers sa gloire. Une tâche, facile, commence pour le Comité chargé d’élever un monument différent de la tombe à laquelle chaque membre donne un salut. »
De ce jour, en un mois à peine, Verlaine a rallié toutes les forces autour de son nom. Chacun y contribue, parfois sous l’anonyme. L’œuvre entreprise s’appuie sur le Mercure de France,
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